On se souvient de la controverse il y a quelques
années, en 1996 je crois à propos du procès et de
la condamnation de deux membres du groupe NTM (nique ta mère) pour
incitation à la violence contre les fonctionnaires municipaux par
le tribunal de Toulon, ville qui a eu une municipalité d'extrême
droite. Un hebdomadaire a titré "La prison pour NTM: l'insulte faite
aux jeunes". Il a été réconfortant de constater que
ce sont les lecteurs eux-mêmes de ce journal qui ont renvoyé
la rédaction à un peu plus de mesure : "Gare au jeunisme
et à la démagogie facile. C'est votre discours qui favorise
les idées du FN-NTM n'est comparable ni à Brassens, ni à
Malraux..."
Raymond Devos, invité à donner
son point de vue a déclaré: "Nique ta mère, j'aime
pas ça du tout. C'est un mot de passe qui a quelque chose de dégradant.
Je m'étonne toujours quand quelqu'un viole le sens moral... Il faut
pousser un cri d'alarme" . On n'en attendait pas moins de quelqu'un qui
sait ce qu'est le langage et le rapport à la parole. Les NTM, avec
leurs incantations ne sont pas les meilleurs instruments pour lever notre
refoulement oedipien.
Tout n'est pas à dire. Tout n'est pas
à montrer. Les films pornographiques, de la même façon,
ne libère pas des effets du refoulement. Ce à quoi nous invite
la psychanalyse, c'est à un autre usage du langage. Le langage ne
cache ni ne montre, il donne à entendre. Les adultes n'ont pas à
enfreindre les règles de l'interdit de l'inceste, même s'il
ne s'agit que d'incitations verbales.
Si la psychanalyse a mis un temps l'accent sur
les effets de la répression sexuelle, répression sur la vie
pulsionnelle, et l'a dénoncée comme génératrice
de névrose, Freud néanmoins n'a pas adhéré
aux efforts de libération sexuelle prônée par Wilhem
Reich. Pour Freud la répression, la contrainte sont nécessaires.
L'inceste vient brouiller tous les repères même si cet inceste
est purement verbal.
Nous avons ces jours-ci un sujet de réflexion offert par le cas du jeune Raoul qui a été emprisonné pour inceste sur sa petite soeur de cinq ans. Une voisine l'a accusé de s'être livré sur sa jeune soeur à des attouchements. Après trois mois d'enquête, la police de l'état du Colorado s'est décidé à arrêter ce jeune garçon de onze ans. Il a été amené, menottes aux mains, dans un centre de détention juvénile où il a passé six semaines avant d'être accueilli dans une famille d'accueil. La presse suisse, allemande et française s'est scandalisée d'un pareil traitement infligé à un enfant, alors que l'évènement n'a soulevé qu'un faible écho dans la presse américaine (voir l'article de première page dans Le Monde du 12 novembre 1999). Denver-port a découvert que les parents de Raoul avait fait enregistré une société baptisée Ultimate Fantasies (Fantasmes Suprêmes) destinée à devenir un site érotique sur Internet. Il est évident que des parents susceptibles de trouver bénéfice à offrir un site pareil sur Internet sont vraisemblablement assez inaptes à donner des limites à leur fils. Ce garçon qui a trois soeurs n'a trouvé auprès de ses parents des modèles identificatoires valables à ses désirs, si ce n'est dans une jouissance extrême et sans frein. Les parents de Raoul on d'ailleurs abandonné leur fils et ce sont enfuis en Suisse, laissant les avocats défendre l'enfant. Ils ne se sont même pas présentés à l'audience. Il est probable qu'en France les parents et non l'enfant auraient eu à entendre les semonces du juge.
Nous pouvons maintenant nous poser la question
des conséquences des jeux sexuels entre frère et soeur entre
eux. Ces jeux nous le savons , n'ont rien d''exceptionnel et ne sont la
plupart du temps que la manifestation d'une intense curiosité qui
n'a pas trouvé d'autres moyens de se satisfaire. Laissons de coté
le cas de Raoul dont les parents n'ont certainement pas constitués
de repères stables dans les activités sexuelles et érotiques
auxquelles ils ont pu se livrer entre eux ou avec des comparses. Un enfant
est très perméable à tout ce qui est dit à
propos de l'amour. Les parents qui s'aiment n'ont aucune difficultés
à utiliser les mots qui conviennent pour ne pas les rebuter, ni
refuser à leurs enfants de parler de leurs relations intimes avec
des mots qui ménagent leur pudeur. Camus disait que"mal nommer les
choses, volontairement ou pas, c'est ajouter au malheur du monde" . L'interdit
oedipien est venu marquer notre savoir. Il est un lieu auquel nous n'avons
pas accès et que nous n'aurons fait qu'imaginer.
Ce lieu est notre lieu d'origine, c'est à
dire dans le corps de notre mère un lieu que nous ne pouvons réintégrer.
J'attends vos réactions. Inceste Numéro 4
Denise Vincent, psychanalyste de
l'association freudienne internationale.
Secrétaire de rédaction de la revue
de l'association freudienne : La psychanalyse de l'enfant.
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