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Lacan (Jacques-Marie)
    Médecin et psychanalyste français (Paris 1901- id. 1981). 

    Jacques-Marie Lacan est né d'une mère apparentée à une riche famille de vinaigriers orléanais et d'un père qui s'employa au titre de représentant de commerce de l'entreprise. En 1918, e jeune homme ne trouva pas dans celui qui revenait de la guerre le père délicieux, moderne et complice que son enfance avait tant aimé. De toute façon, ce fut une tante maternelle qui distingua la précocité de l'enfant et lui permit des études au collège Stanislas, à Paris ; son dcondisciple Louis Leprince-Ringuet a rapporté ses dons d'alors pour les mathématiques. Le provincial fut introduit à la vie mondaine de la capitale et séduit par elle ; cette dissipation ne l'empêcha pas d'associer à de solides études médicales un intérêt éclectique mais chaque fois dénué d'amateurisme pour les lettres et la philosophie (les présocratiques et Platon, Aristote, Descartes, Kant, Hegel [avec Kojève] et Marx plus que Bergson ou Blondel), le Moyen Âge (avec Gilson), l'anthropologie (Mauss), l'histoire (Marc Bloch et les Annales), la linguistique (F. de Saussure à ses débuts), les science exactes (dont en particulier la logique avec B. Russell et Couturat). A titre de première publication, on a de lui poème publié dans : "le phare de Neuilly" des année 1920; oeuvre de facture classique, en alexandrins bien rythmés et de lecture toujours agréable, sans doute à cause de la soumission de la forme au fond. Les études de psychatrie se mêlèrent à la fréquentation des surréalistes d'une façon qui le mit en marge des deux milieux. Il dira plus tard que l'apologie de l'amour lui parut une impasse irréductible du mouvement de A. Breton. 
    Parue en 1932, la thèse de doctorat en médecine : "De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité" est porté à son extrême : le coup de couteau donné par Aimée à la vedette qui, à titre d'idéal, absorbiat son investissement libidinal. Mais cette étude est aussi en rupture avec les travaux des psychiatres français de l'époque, qui voient dans la psychose paranoïaque une aggravation des traits définissant pour eux le caractère  paranoïaque. G. G. de Clérambault, le seul maître qui eût pu le soutenir et à l'égard duquel Lacan dira sa dette sa vie durant, le désavouera en l'accusant de plagiat. Le décor est dressé, qui ne changera plus : l'indépendance d'une pensée solidement argumentée, en butte aux maîtres qu'elle contrarie et à la mode qu'elle déshabille ; mais aussi le refus de céder à l'orgueille de solitaire. Ses études sur la paranoïa lui montrent en effet que les traits dénoncés par le malade dans le monde sont les siens propres par lui-même méconnus (on dira projetés) ; et un texte précoce, : "De l'assertion de certitude anticipée", illustre, à propos d'un sophisme que le salut individuel n'est pas affaire pribée mais d'intelligence collective quoique concurrente. Pas de belle âme donc, ce qui ses élèves par la suite ne manqueront pas de lui reprocher puisqu'il n'eut rien à leur proposer que l'honnêteté intellectuelle : à chacun d'en déduire sa morale. 
    La description phénoménologique exhaustive d'un cas, sa thèse, dira Lacan, le conduisit à la psychanalyse : seul moyen de déterminer les conditions subjectives de la prévalence du double dans la constitution du moi. Le passage à Paris, après 1933, des psychanalyste berlinois en route vers les Etats-Unis lui fournit l'occasion de s'en remettre à R. Loewenstein plutôt qu'à A. Hesnard, à R. Laforgue, à E. Pichon, voire à la princesse Bonaparte. Une lettre qu'il adressa à Loewenstein en 1953 lors de ses démêlés avec l'Institut de psychanalyse et publiée bien plus tard témoigne d'une relation confiante avec son psychanalyste, fondée sur une communauté de rigueur intellectuelle ; celle-ci n'empêchera pas d'ailleurs son correspondant, alors aux Etats-Unis, de le désavouer devant ses pairs. 
    Le paysage psychanalytique français de l'avant-guerre était, à l'instar de nos villages, organisé autour du clocher. Ce n'est pas faire injure à ses protagonistes de dire que chacun semblait fort y avoir été délégué par sa chapelle pour contrôler un produit importé de la Vienne cosmopolite : Hesnard était médecin de la Royale, Laforgue s'engagea dans la vie de la collaboration, Pichon était maurassien. 
    Marie Bonaparte seule témoigna pour Freud d'un attachement transférentiel qui ne se démentit pas ; elle fut d'ailleurs l'unique visite de Freud, en route vers Londres, lors de son passage à Paris en 1939. Quoi qu'il en soit, ce milieu paraît attendre d'un jeune homme doué et de bonne famille qu'il contribue à inventer une psychanalyse bien de chez nous. 
    Une fois encore, la déception dut être réciproque. Dans la dernière livraison de la Revue française de psychanalyse, la seule parue en 1939, une critique de Pichon recense l'article de Lacan sur : "la Famille", publié dans : "l'Encyclopédie française" à la demande d'Anatole de Monzie, en déplorant un style plus marqué par les idiotismes allemands que par la bien connue clarté française. Après la guerre, on retrouvera trace de Lacan en 1945 avec un article publié à l'éloge de : "la Psychiatrie anglaise durant la guerre". 
    Il semble décidément difficile à Lacan de trouver maison qu'il reconnaîtrait comme sienne. Après 1920, Freud introduisit ce qu'il appellera la deuxième topique : un thèse qui fait de moi (allem. das Ich) une instance régulatrice entre le ça (allem. das Es) [source des pulsions], le surmoi (allem. das Über-Ich) [agent des exigences morales] et la réalité (lieu où s'exerce l'activité). Un renforcement du moi, pour "harmoniser" ces courants chez le névrosé, peut apparaître comme une finalité de la cure. 
    Or, Lacan fait son entrée dans le milieu psychanalytique avec une tout autre thèse : le moi, écrit-il, se construit à l'image du semblable et d'abord de cette image qui m'est renvoyée par le miroir - ce suis-je. L'investissement libidinal de cette forme primordiale, "bonne" parce qu'elle supplée la carence de mon être, sera la matrice des identifications futures. La méconnaissance s'installe ainsi au coeur de mon intimité et, à vouloir la forcer, c'est un autre que je trouverai ; ainsi qu'une tension jalouse avec cet intrus qui, par son désir, constitue mes objet en même temps qu'il me les dérobe, du mouvement même par lequel il me dérobe à moi-même. C'est comme autre que je suis amené à connaître le monde : une dimension paranoïaque est, de la sorte, normalement constituante de l'organisation de "je". Le Stade du miroir comme formateur de la fonction du "je" fut présenté en 1936 au Congrès international de psychanalyse sans rencontrer d'autre écho que le coup de sonnette de E. Jones interrompant une communication trop longue. Sa reprise à Paris en 1947 ne suscita pas beaucoup plus d'enthousiasme. Il est vrai que cette thèse contrevient à une tradition spéculative, platonicienne à l'orginie et qui conjoint la quête de la vérité à celle d'une identité assumable par la saisie de l'idéal, ou de l'être. L'affirmation du caracètre paranoïaque de l'identique-à- soir ne pouvait manquer de la heurter. Elle n'est pourtant pas un simple ajout ; son support est expérimental et s'inspire de travaux menés dans les champs de la physiologie animale et humaine sur les effets organiques induits par la perception du semblable. Mais elle illustre surtout (bien que cela reste tu) la prise précoce de l'enfant dans le langage. Si la remarquable trouvaille du "stade du miroir" n'est déductible de la pratique analytique, elle edoit portant son support, son cadre à une analyse du langage qui, vînt-elle du linguiste, s'expérimente dans la cure ; mais en tant que déduction rétroactive, s'il est vrai que la parole articulée commence avec l'illumination de cette identification sans pouvoir dire plus sur les conditions ni sur l'ordre à cette phase n'est investi, dira Lacan, d'une telle charge libidinale que parce qu'il fonde - par ce : "c'est moi" originel - la protestation contre le défaut radical par lequel le langage soumet le : "parlêtre", c'est-à-dire celui qui pose la question de l'être parce qu'il parle. 

    Si le langage est un système d'éléments discrets qui doivent leur pertinence non à leur positivité mais à leur différence, selon l'analyse de F. de Saussure, il dénature l'organisme biologique soumis à ses lois en le privant, par exemple, d'un accès à la positivité ; sauf à ce que cet organisme tende sur l'entre-deux des éléments, l'écran illuminé de l'imaginaire - première image fixe : le moi. 
    La pratique analytique est la mise à l'épreuve des effets de cette dénaturation d'un organisme par le langage, corps dont les :"demandes" sont perverties par l'exigence d'un objet sans fondement et sont ainsi impossibles à satisfaire ; dont les : "besoins" sont transformés du fait de ne trouver apaisement que sur fond d'insatisfaction ; dont les pulsions mêmes s'avèrent organisées par un montage grammatical ; dont le désir se montre articulé par un fantasme qui défie le moi et l'idéeal, violant leur pudeur par la quête d'un objet dont la saisie provoquerait le dégoût. Le lieu d'où ce désir prend voix s'appelle inconscient et c'est à pouvoir la reconnaître comme sa voix propre que le sujet échappe à la psychose. Le langage devient ainsi symbole du pacte de ce à quoi le sujet renonce : la maîtrise de son sexe, par exemple, en échange d'une jouissance dont il devient serf. Oui, mais laquelle ? 
    En effet, "il n'y a pas de rapport sexuel", dira Lacan, au scandale de ses suiveurs comme de ses détracteurs. Il rappelait par cette formule (qui fait choc parce qu'elle contrevient à deux siècle de foi religieuse) que, si le désir vise l'enre-deux voilé par l'écran où se projette la forme excitante, le rapport ne se fait jamais qu'avec une image ; image de quoi ? - sinon de l'instrument qui fait la signifiance du langage, c'est-à-dire le Phallus (cause du panérotisme qui fut reproché à Freud). C'est pourquoi une femme se voue à le représenter en faisant semblant de l'être (c'est la mascarade féminine) alors que l'homme, lui, fait semblant de l'avoir (c'est le comique viril). Si rapport il devait y avoir, il serait ainsi, imaginairement, avec le Phallus (vérité expérimentale pour l'homosexuel) et non pas avec la femme qui, elle, n'existe pas. L'entre-deux désigne aussi bien, en effet, le lieu Autre (Autre du fait qu'il ne puisse y avoir aucun rapport avec lui) et de se tenir à cette place, une femme (article indéfini) ne peut y trouver ce qui la fonderait dans son existence et en ferait la femme. On sait d'ailleurs l'inquiétude ordinaire des femmes sur le bien-fondé de leur existence et l'envie qu'elles portent volontiers au garçon qui, sans nul besoin de faire ses preuves, s'estimerait d'emblée légitimé. 

Figure 1. Noeud borroméen à 3 ronds. La propriété borroméenne est liée au fait que la coupure d'un rond libère tous les autres. On voit sur cette figure comment Réel, Symbolique et Imaginaire peuvent devoir leur consistance à ce type de nouage et à la texture de corde des ronds. 
Symboles : 
I : Imaginaire, 
R : Réel, 
S : Symbolique, 
JA : Jouissance de l'Autre, 
a : l'objet cause du désir, 
JPh : Jouissance phallique. 

Figure 2. Noeud à 4 ronds. Dans cette figure (non borroméenne), Réel, Symbolique, et Imaginaire, sont superposés. Leur consistance est assurée par un quatrième rond, celui du symptôme ou aussi bien du Nom-du-Père. 

    La catégorie de l'Autre est essentielle parmi les formulations originales de Lacan parce qu'elle désigne primordialement, dans l'entre-deux, la place vide, mais aussi protentiellement grosse de tous les éléments du langage susceptibles de venir s'insérer dans mon énonciation et y donner à entendre un sujet que je ne peux que reconnaître comme mien sans pour autant le faire parler à ma quise ni même savoir ce qu'il veut : c'est le sujet de l'inconscient. 
    Un signifiant (S1) est ainsi, dira Lacan, ce qui représente un sujet ($) pour un autre signifiant (S2). Mais que ce dernier (S2) vienne du lieu Autre le désigne aussi come symptôme s'il est vrai qu'il décevra immanquablement mon appel en faisant rater le rapport. 
    Le signe, lui, désigne bien quelque chose (ainsi la fumée est l'indice du feu ; la cicatrice, de la blessure ; la montée de lait, d'un accouchement, disent les stoïciens), mais pour quelqu'un ; en présence du la chose, "je" s'évanouit en effet. La formule lacanienne du fantasme $<>a (à lire : "S barré poinçon de petit a") lie l'existence du sujet ($) à la perte de la chose (a), ce que la théorie enregistre aussi comme castration. 
    L'émergence éventuelle dans mon univers perceptif de l'objet perdu singulier qui me fonde comme sujet - d'un désir inconscient - l'oblitère, ne me laissant que l'angoisse propre à l'individu (un-dividu). 
    On aura sans doute été sensible au déplacement radical opéré ainsi dans la tradition spéculative. L'énoncé que le signifiant n'a pas fonction dénotative mais représentative, représentative non d'un objet mais du sujet, qui n'existe lui-même qu'à la condition de la perte de l'objet, n'est pourtant pas une assertion qui s'ajoute aux autres, antécédentes dans la tradition. Il ne s'autorise pas en effet d'un dire mais de l'exercice d'une pratique vérifiable et répétable par d'autres. 
    Quant à la mutation du signifiant en signe qui, lui, dénote la chose, on s'amusera à retenir que ces exemples pris aux stoïciens pointent tous le quelqu'un auquel ils s'adressent, dans ses figurations urinaire, castratrice ou fécondante : le Phallus, à l'égard duquel ils sont autant d'appels. Si celui-ci est une cause de l'impossibilité du rapport sexuel, une autre catégorie, outre celle de l'imaginaire et du symbolique, est alors à considérer : celle du réel, comme impossible précisément. Il ne s'agit pas de l'impossible à connaître, propre au noumène kantien, ni même de l'impossible à conclure, propre aux logiciens (quand ils se soucient de Gödel) ; mais de l'incapacité propre au symbolique de réduire le trou dont il est l'auteur puisqu'il l'ouvre à la mesure dont il tente de le réduire, rien étant la réponse propre au réel aux essais faits pour l'obliger à répondre. Ce traitement du reél rompt avec les alternatives trop classiques : rationalisme positiviste, scepticisme ou mysticisme. 
    Scilicet - "tu peux savoir" -, tel fut le titre donné par Lacan à sa revue. Savoir quoi ? sinon l'objet a par lequel tu fais bouchon au trou dans l'Autre et mutes l'impossible en jouissance, celle-ci dût-elle en rester marquée. Iras-tu néanmoins assez loin dans sa connaissance pour savoir quel objet tu es ? Quoi qu'il en soit, la démarche psychanalytique s'avère bien inscrite dans la tradition du rationalisme mais en lui donnant, avec les catégories de l'imaginaire et du réel, un portée et des conséquences que celle-ci ne pouvait soupçonner ni épuiser. 
    Sans doute était-il prévisible que ce remue-ménage (Lacan aurait dit "remue-méninges"), quoique tiré de Freud et de sa pratique, provoquât des réactions. D'abord, n'était-il pas incompréhensible, puisque en rupture avec des habitudes mentales - le confort - qui vont bien au-delà de ce que l'on croit ? En réalité, il l'était surtout par son support logique - une topologie non euclidienne -, le stade du miroir datant ce que la familiarité de la pensée et notre intuition doivent au mirage plan du narcissisme. 
    En 1953 et bien qu'il la présidât, Lacan démissionna de la Société psychanalytique de Paris (celle qui eut toujours une attitude réservée à l'égard de Freud) en compagnie de D. Lagache, J. Favez-Boutonier, F. Dolto et fonda avec eux la Société française de psychanalyse. 
    Le motif de la rupture fut la décision par la Société parisienne de fonder un Institut de psychanalyse chargé de délivrer un enseignement réglé et diplômable sur le modèle de celui de la facutlé de médecine. Ignorait-elle pourtant le caratère ambigu et volontiers fallacieux de notre relation au savoir quand il est imposé ? Mais la réalité était sans doute plus triviale : le séminaire de Lacan, les cours en Sorbonne de Lagache et de Favez-Boutonier, le charisme de Dolto attiraient la majorité des étudiants, qui d'ailleurs les suivirent en cet exode. Celui-ci connut l'atmosphère stimulante et fraternelle des communautés d'affranchis à leur départ. Le rapport tenu par Lacan à Rome sur "Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse" servait de boussole. Trop bien sans doute ; son succès vint assez vite faire ombrage à ses amis et puis aussi aux élèves qui avaient grandi et se montraient maintenant soucieux de leur personnalité. Une décennie de nomadisme suffisait ; il fallait, paraît-il, réintégrer l'Association psychanalytique internationale. Des négociations menées par un trio d'élèves (W. Granoff, S. Leclaire et F. Perrier) aboutirent à un troc : reconnaissance par l'IPA en échange du renoncement de Lacan à former des psychnalystes... 
    En 1963, Lacan fondait seul l'Ecole freudienne de Paris. Une poignée d'amie déprimés et d'élèves esseulés le suivirent en ce nouveau désert. Grâce à son travail, il allait se révéler d'une exceptionnelle fécondité. Aux premiers signes de la maladie du fondateur, ceux-ci devait être pris par une agitation qui le conduisit à dissoudre son Ecole 1980. 
    La visite de Lacan fut d'assurer à la psychanalyse un statut scientifique qui aurait protégé ses conclusions du détournement des thaumaturges et aussi l'aurait imposée à la pensée occidentale : retrouver le Verbe, qui était au commencement et se trouve aujourd'hui bien oublié. Mais aussi montrer qu'il ne s'agissait pas avec elle d'une théorie mais des conditions objectives qui déterminent notre vie mentale. Et puis mettre un terme à ce recommencement par lequel chaque génération semble vouloir la réécrire comme si ses conclusions, précisément, restaient irrecevables. 
    Mais le champ psychanalytique est-il propre à un traitement scientifique, c'est-à-dire à l'assurance d'une réponse toujours identique du réel à la formalisation qui le sollicite ? Voire est-il apte au calcul des réponses qui sont susceptibles d'être données par un sujet et que la théorie des jeux construit dans le cadre des sciences conjecturales ? Oui, si l'on admet qu'il existe une clinique des hystéries, c'est-à-dire une recension des modes de la contestation faite par le sujet de l'ordre formel qui le condamne à l'insatisfaction. 
    Il y a là en projet une révision du statut de sujet tel que le valorise l'humanisme chrétien. Serait-ce au profit d'une mortification, à l'exemple du bouddhisme ? Sûrement pas si la finalité de la cure est de redonner au sujet l'accès à la fluidité propre au langage sans qu'il y reconnaisse d'autre point fixe qu'un arrimage par un désir acéphale, le sien. 
    Sur le tard pourtant, Lacan reviendra de cet expoir de scientificité (qui justifia, par exemple, l'anonymat des articles de Scilicet à l'instar des livres de Bourbaki) sans autrement s'en expliquer sinon par des énonciations qu'il aurait auparavant répudiées, telle : "C'est avec mon bout d'inconscient que j'ai essayé d'avancer..."
    Une interprétation est cependant possible : si le science, coincée entre dogmatisme et scepticisme, n'a pour alternative que la prétention à maîtriser le réel (et à forclore la castration) et l'affirmation d'un inconnaissable que démontre la pluralité des modèles (on renonce à la vérité au profit de ce qui est opératoire), un autre abord du réel se justifie, le psychanalytique précisément. 
    C'est pourquoi la consistance du réel, du symbolique et de l'imaginaire (R.S.I) ne sera plus cherchée dans leur association avec le symptôme (qui est défense contre le réel), ainsi que la science en poursuit la tradition, mais dans un autre champ : celui, physico-mathématique, du noeud borroméen (trois ronds de ficelle liés de sorte que la coupure de l'un quelconque d'entre eux dénoue les deux autres), où les trois catégories (R.S.I.) doivent de tenir ensemble non plus à leur nouage par un rond quatrième (celui du symptôme) mais à la propriété borroméenne du noeud et à sa consistance de corde. Figures 1 et 2. 

    La castration, soit ce qui cause l'insatisfaction sexuelle et le malaise dans la  civilisation, est-elle fait de structure ou de culture ? L'oedipe, c'est-à-dire le culte du Père, est-il nécessaire ou contingent ? Voilà l'enjeu de ces ultimes réflexions à propos de la possibilité d'écrire le noeud à trois ou bien quatre ronds, ce dernier, oedipien, devant sa consistance au nouage par le rond du symptôme. L'aphasie motrice, sur laquelle Lacan buta, mit le silence à cette tentative. 
    Quel que fût le visiteur, Lacan lui offrait toujours le préalable de son intérêt et de sa sympathie : ne partageait-il pas avec lui le sort du "parlêtre", c'est-à-dire de celui qui pose la question de l'être parce qu'il parle ? Il attendait en échange que soit privilégiée l'honnêteté intellectuelle : reconnaître et dire ce qu'il y a. Malgré les déceptions répétées venues de ses maîtres, qui le désavouèrent, de ses amis, bien discrets à son égard (où Lévi-Strauss ou bien Jakobson le citèrent-ils?), des élèvent qui voulurent le vendre, il gardait toujours prêt un investissement qui n'était jamais prévenu ni même méfiant. 
    Il n'était pas pour autant un saint. Si le désir est l'essence de l'homme, comme l'écrivit Spinoza, Lacan ne craignit pas d'aller au terme de ses impasses, y confrontant du même coup celles et ceux qui se trouvaient invités. Peu, semble-t-il, trouvèrent le fil du labyrinthe : puisqu'il n'y en a pas. Mais se plaindre d'avoir été séduit reste une cocasserie qui est un des agréments de notre époque ; les procès pour diabolisme sont toujours d'actualité. 
    Il faudrait encore dire au moins un mot sur son style réputé obscur; On s'apercevra un jour qu'il s'agit d'un style classique d'une grande beauté, c'est-à-dire sans ornementation et régi par la rigueur : c'est cette dernière qu'il est difficile de saisir. Quant aux jeux de mots qui parèment ses propos, ils poursuivent une traditions rhétorique qui remonte au moins aux Pères de l'Eglise, quand on savait et expérimentait le pouvoir du Verbe. 
    Après une fin d'août passée seul, Lacan est mort le 9 septembre 1981 et fut enterré avec une discrétion qui empêcha nombre de ses plus proches élèves de lui rendre l'hommage qu'ils lui devaient. 
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Lagache (Daniel)
    Médecin, psychanalyste et psychologue français (Paris 1903- id. 1972) 

    Il est fondateur de la psychologie clinique en France. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure (1924), agrégé de philosophie (1928) et docteur en médecine (1934), il a été l'élève de G. Dumas en psychologie pathologique et de H. Claude en psychiatrie. Il suit alors une cure psychanalytique avec R. Loewenstein et devient psychanalyste en 1938. Nommé professeur de psychologie à l'université de Strasbourg en 1937, il suit cette université à Clermont-Ferrand pendant la Seconde Guerre mondiale. Il devient professeur à la Sorbonne en 1947 dans la chaire de psychologie générale, où il succède à P. Guillaume, après avoir soutenu sa thèse de doctorat ès lettres sur "la Jalousie amoureuse" (publiée en 1947). Il occupe ensuite la chaire de psychologie pathologique laissé par G. Poyer en 1955. Dans ses recherches cliniques et son enseignement, il s'efforce d'introduire la psychanalyse, aussi bien en psyhologie sociale et individuelle qu'en criminologie. Il fonde une "psychologie clinique", comme "étude des conduites individuelles, envisagée dans une conjonctures socioaffective et culturelle déterminée", utilisant à la fois des techniques psychométriques, une compréhension phénoménologique et une interprétation d'inspiration psychique. C'est dans : "l'Unité de la psychologie", parue en 1949, qu'il montre qu'une véritable psychologie ne peut être que clinique et qu'elle doit utiliser ces diverses approches dans une démarche synthétique centrée sur la subjectivité, et l'intersubjectivité, de l'homme. A la fin de sa vie, il anime le projet du "Vocabulaire de la psychanalyse", que réalisent ses élèves J. B. Pontalis et J. Laplanche sous sa direction. 
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lapsus
    Faute que l'on fait par inadvertance en parlant (lapsus linguae) ou en écrivant (lapsus calami) et qui consiste à substituer un mot à celui qu'on voulait dire.

    La psychanalyse consièdre le lapsus comme une variété d'acte manqué consistant en l'interférence de l'inconscient dans l'expression parlée ou écrite.
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latence (période de)
    Période de la vie sexuelle infantile de l'âge de 5 ans à la préadolescence, au cours de laquelle les acquis de la sexualité infantile sombreraient normalement dans le refoulement.
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lettre
    Dans le sens de caractère ou de celui de missive, la lettre est à la fois le support matériel du signifiant et ce qui s'en distingue comme le réel se distingue du symbolique.

    Bien que la lettre et l'écriture ne deviennent des termes psychanalytiques avec Lacan, il existe chez Freud de nombreuses références à l'écritures, depuis : "l'Esquisse d'une psychologie scientifique" 1895 et les lettres à Fliess jusqu'au texte intitulé : "Note sur le bloc magique" 1924. Le bloc magique illustre l'opposition entre le système perception-conscience et l'inconscient ; il y a d'une part la feuille de Celluloïd, toujours prête à recevoir de nouvelles inscriptions ou perceptions, et le bloc de cire, qui garde indéfiniment toutes les traces écrites, c'est-à-dire toutes les travec mnésiques.
    Le rêve ne se prive pas à l'occasion d'utiliser l'écriture commune, comme dans ce rêve de l'"Homme aux rats" où les lettre "p, c" (pour condoléances) se transforment pendant qu'il écrit en "p, f" (pour féliciter)
    Chez l'"Homme aux loups", la lettre V ou W joue un rôle central : Freud la retrouve dans le V de l'hologe censée marquer l'heure de la scène primitive, dans l'ouverture des jambes des filles, dans le battement des ailes du papillon ou dans les ailes arrachées de la guêpe (Wespe), que l'"homme aux loups" prononce "espe", la castrant de son W pour y retrouver les initiales de son nom, S. P., quitte à la voir resurgir dans les loups (Wolf), auxquels il doit son surnom.
    Chez l'"Homme aux rats", Freud, telle le Saussure des anagrammes, décompose la formule conjuratoire Glejisamen, qui devait protéger sa bien-aimée, en Gisela et Samen (sperme), la fusion des lettres réalisant ce qui était évité.

    Melanie Klein, à partir des analystes d'enfants, découvre derrière les fautes d'orthorgraphe d'innombrables fantasmes sur les lettres, par exemple l'image phallique attachée à la lettre i ou au chiffre 1. Elle formule l'hypothèse selon laquelle l'écriture pictographique ancienne, fondement de notre écriture, se retrouverait dans les fantasmes inconscients de chacun.

La lettre volée
    Dans : "le Séminaire sur (la lettre volée)" (1955; Ecrits), Lacan s'appuie sur le conte d'Edgar Poe pour démontrer le pouvoir du signifiant. La lettre est le sujet véritable du conte et, sans que son contenu soit jamais révélé, elle règle le ballet de tous les personnages ; l'expression "être en possession d'une lettre" se révèle alors admirablement ambiguë. La lettre échappe à l'investigation minutieuse de la police, dont l'erreur consiste à la prendre pour un objet de la réalité, un ordure selon le jeur de mot joycien : a letter/a litter.

Lettre, trait unaire et nom propre
    Lacan fait le lien entre le "trait unaire" freudien, c'est-à-dire l'une des trois formes de l'identification, identification à l'un des traits de l'objet, et cette genèse de l'écriture. Dans le prétendu idéogramme, le trait est "ce qui reste du figuratif qui est effacé, refoulé, voire rejeté". C'est quelque chose de l'objet que le trait retient, son unité, il fait un.

Le réel de la lettre
    Dans : "Lituraterre" 1971, Lacan, prenant sans doute Derrida comme interlocuteur, insiste pour dire que l'écriture n'est aucunement primaire. La lettre ferait : "le littoral entre jouissance et savoir". Il situe le signifiant du côté du symbolique et l'écriture du côté du réel; "c'est le ravinement du signifié...", c'est-à-dire de l'imaginaire ; la lettre est une précipitation du signifiant. Il y a dans cette précipitation de l'écriture une opposition entre la non-identité à soi du signifiant et l'identité à soi de la lettre, un mouvement du sens au non-sens. Il existe dans le savoir de l'inconscient un trou qui en rend la jouissance incomplète, et Lacan utilise la lettre a pour marquer la frontière de ce trou. Le non-sens radical de la lettre tient au réel. La lettre, distincte du signifiant, est susceptible d'en marquer la limite, l'intrusion de l'objet a comme radicalement autre.

La lettre est l'inconscient
    L'écriture n'est pas primaire ; c'est le signifiant qui est premier et qui conditionne l'inconscient et donc la fonction de la lettre. Il faut distinguer d'une part le fleuve du langage, le signifiant et la structure grammaticale qui participe au sens, et d'autre part les alluvions qui se déposent, l'inconscient, lieu des représentations de chose, pur enchaînement littéral, en fin de compte non-sens radical qui fonctionne grâce à l'exclusion de la lettre.
    L'analyse est une lecture, les productions de l'inconscient se prêtent à cette lecture et le psychanalyste lit autrement dans ce que dit l'analysant avec une certaine intention. Mais cela suppose donc une écriture dans l'inconscient. Quant au symptôme, "s'il peut être lu, c'est qu'il est déjà inscrit dans un procès d'écriture", écrit Lacan dans : "la Psychanalyse et son enseignement" (1957 Ecrits). Ce qui est important dans un symptôme, c'est non pas la signification "mais sa relation à une structure signifiante qui le détermine". Plus tard il définira le symptôme comme ce qui ne cesse pas de s'écrire.

L'écriture Nodale
    Avec le noeud borroméen dans ses derniers séminaires, Lacan introduit une écriture nouvelle, celle des noeuds précisément, ce qui renverse le sens de l'écriture. En effet, le noeud borroméen est une véritable écriture primaire, non pas un précipitation du signifiant mais un support du signifiant, puisque le symbolique vient s'y accrocher. Ainsi, Lacan analyse l'oeuvre de Joyce, son écriture, comme la réparation d'une erreur dans l'écriture de son noeur borroméen.
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libido
    Energie psychique des pulsions sexuelles qui trouvent leur régime en termes de désir, d'aspirations amoureuses, et qui, pour S. Freud, rend compte de la présence et de la manifestation du sexuel dans la vie psychique.

    C. Jung, quant à lui, conçoit la libido comme une énergie psychique non spécifiée, se manifestant dans toutes tendances, sexuelles ou non, ce que réfute Freud, qui maintient la référence au sexuel.
    J. Lacan propose de concevoir la libido non pas tant comme un champ d'énergie que comme un "organe irréel", qui a rapport avec la part de lui-même que perd l'être vivant sexué dans la sexualité.
    Il est relativement malaisé d'extraire une définition de la libido chez Freud, notamment parce qu'elle reçoit des éclairages différents selon les moments de conceptualisation de la théorie des pulsions, les avancées concernant la vie sexuelle, normale ou pathologique, le questionnement réitéré du problème des névroses, des perversions, des psychoses. Le terme latin de : "libido", qui signifie "désir", "envie", "aspiration", tel que Freud en fait usage, désigne "la manifestation dynamique dans la vie psychique de la pulsion sexuelle" ; c'est l'énergie "de ces pulsions qui ont à faire avec tout ce que l'on peut comprendre sous le nom d'amour".

Libido et sexualité
    Ainsi qu'il s'en explique, dans : "Les Trois essais sur la théorie de la sexualité" 1905 ou dans : l'"Introduction à la psychanalyse", c'est par l'étude de la sexualité infantile et des perversions qu'il trouve ses arguments pour démarquer la sexualité d'une finalité de procréation, pour réfuter l'identité entre sexuel et génital, pour concevoir donc l'existence d'un sexuel qui n'est pas du génital et qui n'a rien à voir avec la reproduction mais avec l'obtention d'une satisfaction.
    Un autre aspect du développement sexuel, qui met en jeu l'économie libidinale et sa dynamique énergétique, engage toute la question du rapport à l'objet, la libido pouvant investir et prendre pour objet aussi bien la personne elle-même (on l'appelle alors libido du moi) qu'un objet extérieur (on l'appelle alors libido d'objet). Freud désigne du terme de narcissisme le déplacement de la libido sur le moi.

Libido et pulsion de vie
    La conception élargie de la sexualité que Freud promeut l'amène à se référer à plusieurs reprise à l'Eros platonicien. Il y voit une conception très proche de ce qu'il comprend par pulsion sexuelle, ainsi qu'il l'écrit dans les : "Trois essais sur la théorie de la sexualité", où il évoque la fable poétique que Platon dans : "le Banquet" fait raconter à Aristophane : la division entre deux parts de l'être humain qui dès lors va sans cesse aspirer à retrouver sa moitié perdue afin de s'unir avec elle. Eros, Amour, Platon nous le montre tel le désir, toujours démuni et toujours en quête de ce qui pourrait l'apaiser, le satisfaire, cherchant sans cesse ce qui manque à le combler. Aussi, dit Freud dans : "Psychologie collective et analyse du moi" 1921, "en élargisant la conception de l'amour, la psychanalyse n'a rien créé de nouveau. L'Eros de Platon présente, quant à ses origines, à ses manifestations et à ses rapports avec l'amour sexuel, une analogie complète avec l'énergie amoureuse, avec la libido de la psychanalyse..." Avec la théorie de l'amour chez Platon et sa conception du désir, Freud se trouve donc en plein accord, mais en même temps il se refuse à abandonner le terme psychanalytique de libido pour celui, philosophique et poétique, d'Eros car, même s'il signale leur grand proximité, il refuse de risquer de perdre par là ce qu'il veut faire reconnaître : sa conception de la sexualité.

Perte et sexualité
    Au mythe d'Aristophane évoqué par Freud, Lacan substitue ce qu'il appelle "le mythe de la lamelle", fait pour "incarner la part manquante" et par lequel il cherche à ressaisir la question de la libido et de sa fonction, la question de l'amour se trouvant renvoyée à un fondement narcissique et imaginaire. Au mythe de la recherche de la moitié sexuelle dans l'amour, il substitue "la recherche, par le sujet, non du complément sexuel, mais de la part à jamais perdue de lui-même, qui est constituée du fait qu'il n'est qu'un vivant sexué et qu'il n'est plus immortel". Il s'en explique notamment dans : "les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse (1973) : la lamelle, "c'est quelque chose qui a rapport avec ce que l'être sexué perd dans la sexualité, c'est comme est l'amibe par rapport aux être sexué, immortel". Et cette lamelle immortelle de suivivre à toute division, cet organe qui "a pour caractéristique de ne pas exister", c'est là, dit Lacan, la libido en tant que vie immortelle, irrépressible, c'est ce qui est soustrait à l'être vivant de ce qu'il est sujet au sexe. Libido se trouve donc désignée par l'image et le mythe de la lamelle non plus "comme un champ de forces mais comme un organe", un organe "instrument de la pulsion".
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