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naissance (fantasme
de la)
Conception que se font les enfants sur la naissance
des bébés.
S. Freud considère
que les premières théories de l'enfant sur la naissance sont
les sources de toutes recherches intellectuelles ultérieures, qui
sont une manière de réponse à la question "d'où
viennent les enfants ?". La théorie cloacale est la plus fréquente.
Dans : "le Traumatisme de la naissance" 1924, O. Rank émet
l'hypothèse selon laquelle l'acte de naître serait le traumatisme
initial à l'origine des troubles névrotiques : le passage
par une voie étroite serait répété dans la
constriction de la crise d'angoisse et le rapport sexuel serait une voie
de retour dans le ventre de la mère. S. Ferenczi, dans le même
sens, entreprit de conduire des cures analytiques en neuf mois. Ces théories
et pratiques furent violemment cririquées par S. Freud parce que
fondées sur une conception trop étroite de la régression.
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narcissisme
Amour que porte le sujet à un objet très
particulier : lui-même.
Le concept chez Freud
La notion de narcissisme est éparse et assez
mal définie dans l'oeuvre de S. Freud jusqu'en 1914, date à
laquelle il écrit : "Pour introduire le narcissisme", article
où il se préoccupe d'aménager à ce dernier,
parmi les autres concepts analytiques, une place digne de lui (trad. fr.
in : "la Vie sexuelle", 1969). Jusque-là, le narcissisme
renvoyait plustôt à une idée de perversion : au lieu
d'aller prendre un objet d'amour ou de désir extérieur à
lui, et surtout différent de lui, le sujet choisissait comme objet
son propre corps. Mais, à partir de 1914, Freud fait du narcissisme
une forme d'investissement pulsionnel nécessaire à la vie
subjective, c'est-à-dire plus du tout quelque chose de pathologique,
mais au contraire une donnée structurale du sujet.
Ainsi, le narcissisme représente également
une sorte d'état subjectif, relativement fragile et facilement menacé
dans son équilibre. Les notions d'idéaux, en particulier
le
moi idéal et l'idéal du moi, s'édifient
sur cette base. Et des altérations du fonctionnement narcissique
peuvent avoir lieu : par exemple les psychoses,
et plus précisément la manie et surtout la mélancolie,
sont justement pour Freud des maladies narcissiques, caractérisées
soit par une inflation démesurée du narcissisme, soit par
sa dépression irréductible ; aussi est-ce pour cela qu'il
les appelle psychonévroses narcissiques.
A partir des années 1920 et de l'avènement de sa deuxième topique Freud distingue nettement le narcissisme primaire du narcissisme secondaire; mais, ce faisant, il en vint à presque assimiler le narcissisme primaire à l'autoérotisme.
Conceptions lacaniennes
Pour J. Lacan, l'infans - le bébé
qui ne parle pas, qui n'a pas encore accès au langage - n'a pas
d'image unifiée de son corps, ne fait pas bien la distinction entre
lui-même et l'extérieur, n'a notion ni du moi ni de l'objet
- c'est-à-dire n'a pas encore d'identité constituée,
n'est pas encore sujet véritable. Les premiers investissements pulsionnels
qui ont lieu alors, pendant cette sorte de temps zéro, sont dont
proprement ceux de l'autoérotisme puisque cette terminologie laisse
précisément entendre l'absence de véritable sujet.
Le début de la structuration subjective fait
passer cet infans du registre du besoin à celui du désir
: le cri, de simple expression de l'insatisfaction, devient appel, demande
; les notions d'intérieur/extérieur puis de moi/autre, de
sujet/objet se substituent à la première et unique discrimination,
celle de plaisir/déplaisir. L'identité du sujet se constitue
en fonction du regard de reconnaissance de l'Autre. A ce moment, comme
le décrit Lacan dans ce qu'il appelle le "stade du miroir",
le sujet peut s'identifier à une image globale et à peu près
unifiée de lui-même ("le Stade du miroir comme formateur
de la fonction du je", 1949; in Ecrits 1966). De là procède
le narcissimse primaire, c'est-à-dire l'investissement pulsionnel,
désirant, amoureux, que le sujet réalise sur lui-même
ou, plus exactement, sur cette image de lui, soutenue par le principe du
signifiant, à laquelle il s'identifie.
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neutralité
Trait historiquement posé comme caractéristique de la
position de l'analyste dans la cure, ou encore de son mode d'intervention.
Historiquement, la psychanalyse s'est constituée
en se dégageant d'autre formes d'interventions thérapeutiques,
notamment celles qui, issues de l'hypnose, faisaient une part importante
à une action directe sur le patient, à une "suggestion".
Cette notion, cependant, est moins évidente
qu'il ne paraît, elle a donné lieu à nombre de malentendus.
Ce qui est le plus assuré, c'est que l'analyste doit se garder de
vouloir orienter la vie de son patient en fonction de ses propres valeurs
: "Nous ne cherchons ni à former pour lui son destin, ni à
lui inculquer nos idéaux, ni à le modeler à notre
image avec l'orgueil d'un Créateur". (S. Freud, "Les
Voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique", 1918,
in la Technique psychanalytique, 1953.
C'est sur un plan plus précisément
technique que cette notion de neutralité pose davantage de problèmes.
Elle a une portée quant à la relation imaginaire de l'analysant
et de l'analyste. Être neutre, à cet égard, ce serait
pour l'analyste éviter de rentre dans le type de rapports que chacun
entretient généralement volontiers, rapport où l'identification
soutient aussi bien l'amour que la rivalité. Toutefois, l'analyste
ne peut pas totalement éviter que l'analysant ne l'installe à
cette place, et il a à en évaluer les conséquences
plutôt que de se contenter de prôner la neutralité.
Pourtant, malgré tout cela, le terme de "neutralité"
n'est peut-être pas particulièrement bien choisi. Il peut
évoquer en effet une attitude d'apparent détachement ou,
pire encore, de passivité, une façon de croire qu'il suffit
de laisser venir rêves et associations sans avoir aucunement à
s'en mêler. C'est pourquoi on opposera plutôt, à l'idée
d'une neutralité de l'analyste (voire d'une "neutralité bienveillante"
selon une formule qui s'est imposée mais n'est pas chez Freud),
celle d'un acte psychanalytique, qui rend mieux compte de la responsabilité
de l'analyste dans la direction de la cure.
Collette Chiland,
dans : "l'entretien clinique" parle de cette notion de neutralité.
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névrose
Mode de défense
contre
la castration par fixation à
un scénario oedipien.
Mécanismes et classification des névroses
selon Freud
Après avoir établi
l'étiologie sexuelle des névroses, S. Freud a
entrepris de les distinguer selon leurs aspects cliniques et leurs mécanismes.
D'un côté, il situe la neurasthénie et la névrose
d'angoisse, dont les symptômes proviennent directement de l'excitation
sexuelle sans intervention d'un mécanisme psychique (la première
étant liée à un mode de satisfaction sexuelle inadéquat,
la masturbation, et la seconde à l'absence de satisfaction) ["Qu'il
est justifié de séparer de la neurasthénie un certain
complexe symptomatique sous le nom de névrose d'angoisse",
1895]. Ces névroses, auxquelles il adjoindra utlérieurement
l'hypocondrie, seront dites névroses actuelles.
D'un autre côté, il situe les névroses
où il intervient un mécanisme psychique de défense
(le refoulement), qu'il nomme psychonévroses
de défense. Le refoulement s'y
exerce à l'égard de représentations d'ordre sexuel
qui sont "inconciliables" avec le moi et détermine les symptômes
névrotiques : dans l'hystérie, l'excitation, détachée
de la représentation par le refoulement, est convertie dans le domaine
corporel ; dans les obsessions et la majorité des phobies, elle
reste dans le domaine psychique pour être déplacée
sur d'autres représentations (les Psychoses de défense,
1894).
Freud observe ensuite qu'une représentation
sexuelle n'est refoulée que dans la mesure où elle a réveillé
la trace mnésique d'une scène sexuelle infantile qui avait
été traumatisante ; il postule donc que cette scène
agit après coup d'une manière inconsciente pour provoquer
le refoulement (Nouvelles Remarques sur les psychonévroses de défense,
1896). La "disposition à la névrose" paraît alors dépendre
d'événements sexuels traumatisants réellement survenus
dans l'enfance (séduction en particulier). Freud reconnaîtra
plus tard le caractère très inconstant de la séduction
réelle mais maintiendra que la névrose prend son origine
dans la première enfance. En effet, l'émergence des pulsions
sexuelles constitue par elle-même un traumatisme, et le refoulement
qui s'ensuit est à l'origine de la névrose infantile. Celle-ci
passe souvent inaperçue, les symptômes, quand il y en a, s'atténuant
à la période de latence mais resurgissant ultérieurement.
La névrose de l'adulte ou de l'adolescent est donc une reviviscence
de la névrose infantile.
La fixation (aux traumatismes, aux premières
satisfactions sexuelles) apparaît ainsi comme un facteur important
des névroses ; toutefois, ce n'est pas un facteur suffisant car
il est également retrouvé dans les perversions. Le facteur
décisif est le conflit psychique : Freud a constamment rendu compte
des névroses par l'existence d'un conflit entre le moi et le pulsions
sexuelles. Conflit inévitable puisque les pulsions sexuelles sont
réfractaires à toute éducation et ne visent qu'à
obtenir le plaisir tandis que le moi, dominé par le souci de la
sécurité, se trouve soumis aux nécessités du
monde réel ainsi qu'à la pression des parents et aux exigences
de la civilisation, qui lui imposent un idéal. Ce qui détermine
la névrose est la "partilité du jeune moi en faveur du monde
extérieur par rapport au monde intérieur". Freud met ainsi
en cause le caractère inachevé, "faible" de moi, qui le conduit
à se détourner des pulsions sexuelles et donc à les
refouler au lieu de les contrôler.
En 1914, Freud divise les psychonévroses en
deux groupes, qu'il oppose : les névroses
narcissiques (terme, tombé en désuétude,
qui correspond aux psychoses) et les névroses
de transfert (hystérie, névrose obsessionnelle
et hystérie d'angoisse) [Pour introduire le narcissisme,
1914]. Dans les névroses narcissiques, la libido est investie sur
le moi et n'est pas mobilisable par la cure analytique. Au contraire, dans
les névroses de transfert, la libido, investie sur des objets fantasmatiques,
est aisément transférée sur le psychanalyste.
Quant aux névroses
actuelles, elles s'opposent elles aussi aux névroses
de transfert parce qu'elles n'ont pas leur origine dans un conflit infantile
et n'ont pas de significtion élucidable. Freud les tient pour "stérile"
du point de vue analytique ; mais il reconnaîtra cependant que la
cure peut exercer sur elles une action thérapeutique.
A diverses reprises, Freud s'est efforcé
de préciser les mécanismes en jeu dans les névroses
de transfert (le Refoulement, 1915 ; Introduction à la psychanalyse,
1916 ; Inhibition, symptôme, angoisse 1926).
Dans l'hystérie,
le refoulement joue le rôle principal tandis que, dans la névrose
obsessionnelle, interviennent d'autres mécanismes de défense
qui sont l'annulation rétroactive et l'isolation.
L'oedipe, complexe nucléaire des névroses
Freud a situé l'oedipe comme le noyau de
toute névrose de transfert : "La tâche du fils consiste à
détacher de sa mère ses désirs libidinaux pour les
reporter sur un objet réel étranger, à se réconcilier
avec le père s'il lui a gardé une certaine hostilité
ou à s'émanciper de sa tyrannie lorsque, par réaction
contre sa révolte enfantine, il est devenu son esclave soumis. Ces
tâches s'imposent à tous et à chacun et il est à
remarquer que leur accomplissement réussit rarement d'une façon
idéale [...] Les névrosés échouent totalement
dans ces tâches, le fils restant toute sa vie courbé sous
l'autorité du père et incapable de reporter sa libido sur
un objet sexuel étranger. Tel peut être également,
mutatis mutandis, le sort de la fille. C'est en ce sens que le complexe
d'OEdipe peut être considéré comme le noyau des névroses"
(Introduction à la psychanalyse).
Pourquoi cet attachement aux parents, en bonne partie
inconscient, persiste-t-il ? Pourquoi l'oedipe n'est-il pas dépassé,
surmonté ? Parce que les revendications libidinales oedipiennes
sont refoulées et se trouvent de ce fait pérennisées.
Quant au mobile du refoulement, Freud va préciser qu'il s'agit de
l'angoisse de castration, la question restant pour lui ouverte de ce qui
perpétue cette angoisse (Inhibition, symptôme, angoisse).
Pour Lacan, l'angoisse de castration vient signaler
que l'opération normative qu'est la symbolisation de la castration
n'a pas été totalement réalisée. elle se réalise
par la voie de l'oedipe. La castration, c'est-à-dire la perte de
l'objet parfaitement satisfaisant et adapté, est simplement déterminée
par le langage, et l'oedipe permet de la symboliser en l'attribuant à
une exigence qu'aurait le Père à l'égard de tous.
Le rapport du névrosé à
l'autre
Pour le névrosé, comme pour tout parlêtre,
le rapport fondamental se fait avec l'Autre. Le rapport narcissique est
d'une grande prégnance dans la névrose (et de ce fait les
réactions paranoïaques n'y sont pas exceptionnelles) mais c'est
du rapport à l'Autre que celle-ci prend sa structure.
L'oedipe, par le nom-du-père qu'il promeut,
propose un pacte symbolique. Moyennant le renoncement à une certaine
jouissance (celle de l'objet a), le sujet peut avoir un accès licite
à la jouissance phallique. Les conditions du pacte sont bien établies
pour le futur névrosé (ce qui n'est pas le cas du psychotique),
mais il ne va pas renoncer complètement à la jouissance de
l'objet a (comme on le voit fort bien dans la névrose obsessionnelle,
et aussi souvent dans l'hystérie) ; il ne va pas renoncer non plus
à se prétendre non castré.
Le transfert névrotique est cette croyance,
très souvent inconsciente, dans le Père idéal qui
est supposé accueillir la plainte, s'en émouvoir, y apporter
remède, et qui est "supposé savoir" dans quelle voie le sujet
devrait engager son désir.
Le névrosé se voudrait à l'image
de ce Père : sans manque, non castré ; c'est pourquoi Lacan
dit qu'il a un moi "fort", un moi qui, de toute sa force, nie la castration
qu'il a subie. Il souligne ainsi que toute tentative pour renforcer le
moi aggrave ses défenses et va dans le sens de la névrose.
Hystérie et Névrose obsessionnelle
Les deux principales névroses
de transfert sont l'hystérie et la névrose obsessionnelle.
Freud a inclus parmi les névroses de transfert certaines phobies
sous la dénomination d'hystérie d'angoisse, les rapprochant
donc de l'hystérie. Lacan, à la fin de son enseignement,
a donné à la phobie une autre place en la qualifiant de "plaque
tournante" vers d'autres structures, névrotique ou perverse. Ch.
Melman quant à lui sépare radicalement la structure phobique
de la névrose.
L'hystérie et la névrose obsessionnelle
peuvent être schématiquement opposées sur un certain
nombre de points :
- le sexe : prédominance féminine
dans l'hystérie et prédominance masculine encore plus marquée
dans la névrose obsessionnelle.
- la symptomatologie : volontiers somatique dans
l'hystérie, purement mentale dans la névrose obsessionnelle;
- l'objet prééminent et la dialectique
mise en oeuvre à l'égard de l'Autre : dans l'hystérie
le sein qui symbolise la demande faite à l'Autre, dans la névrose
obsessionnelle les fèces qui symbolisent la demande faite par l'Autre
;
- la condition déterminant l'angoisse : perte
d'amour dans l'hystérie, angoisse devant le surmoi dans la névrose
obsessionnelle ;
- la subjectivité : l'hystérie est
la manifestation de la subjectivité, la névrose obsessionnelle
la tentative de l'abolir.
Retour
névrose obsessionnelle
Entité clinique isolée par S.
Freud grâce à sa conception de l'appareil psychique
: l'interprétation qui faisait des idées obédantes
l'expression de désirs refoulés a permis à Freud d'identifier
comme névrose ce qui jusque-là figurait comme "folie du doute",
"phobie du toucher", "obsession", "compulsion", etc.
Le cas princeps, publié par Freud en 1909, est celui dit "de l'Homme aux rats" (dans Cinq Psychanalyse). Il est riche d'un enseignement qui n'est toujours pas épuisé. Son auteur fait remarquer que la névrose obsessionnelle devrait nous être plus facile à saisir que l'hystérie parce qu'elle ne comprend pas de "saut dans le somatique". Les symptômes obsessionnels sont purement mentaux et pourtant nous restent plus obscurs. Il faut avouer que les épigones ont peu contribué à les éclaircir.
Clinique
La clinique de névrose obsessionnelle se
distingue d'emblée de la clinique de l'hystérie par au moins
deux éléments : l'affinité élective mais non
exclusive pour le sexe masculin : la réticence du patient à
reconnaître et laisser connaître sa maladie ; c'est souvent
une intervention tierce qui l'incite à consulter.
La prédilection de cette névrose pour
le sexe mâle est instructive en ce qu'elle pointe le rôle déterminant
du complexe oedipien - voilà la cause qui avait été
dissimulée - puisque c'est lui qui met en palce le sexe psychique.
Quant au refus d'"avouer" la maladie, il tient manifestement au fait que
celle-ci est vécue comme "faute morale" et non comme une patholgoie.
La symptomatologie majeure est donc représentée
par des idées obsédantes avec des actions compulsionnelles
et la défense engagée contre elles.
L'Homme aux rats
Une telle caricture ne ressemble en rien au jeune
juriste - Ernst Lanzer de son vrai nom,
semble-t-il - qui en 1905 vint consulter Freud : intelligent, courageux,
sympathique, fort malade, l'Homme aux rats avait tout pour le séduire.
Son symptôme d'occasion
venait de se produire à propos d'une période militaire
: l'impossibilité de rembourser selon les modalités qui lui
avaient été prescrites la modeste somme due à une
postière. Lorsqu'un capitaine "connu pour sa cruauté" lui
enjoignit de payer au lieutenant A qui faisait office de vaguemestre les
3 couronnes 80 qu'il avait avancées pour un envoi contre remboursement,
Ernst devait savoir qu'il se trompait. C'était le lieutenant B qui
s'était acquitté de la fonction et la postière qui
avait fait le crédit. Cette injonction
agit cependant comme un "incident" et il fut pris par la contrainte de
la réaliser pour éviter que des malheurs épouvantables
ne viennent frapper des êtres qui lui étaient chers. Ce fut
alors un tourment effroyable pour essayer de faire circuler sa dette entre
ces trois personnes avant qu'elle n'indemnise la postière. Il est
vrai que l'objet délivré n'était pas indifférent
: une paire de "lorgnons" commandée à un opticien
viennois en remplacement de celle qu'il avait perdue lors d'une halte et
qu'il n'avait pas voulu rechercher pour ne pas retarder le départ.
Au cours de ce repos, le capitaine "cruel", partisan
des châtiments corporels avait raconté ce supplice oriental
(décrit par O. Mirbeau dans : "le Jardin des supplices") selon lequel
un homme dénué est attaché assis sur un seau contenant
des rats : ceux-ci, affamés, s'enfoncent lentement dans son rectum...
Freud note "la jouissance par lui-même ignorée"
avec laquelle le patient lui rapportera l'anecdote.
Le père d'Ernst est mort peu de temps auparavant
: un brave homme, un Viennois bon vivant, du genre "tire-au-flanc", le
meilleur ami de son fils et son confident "sauf en un seul domaine". Ancien
sous-officier, il avait quitté l'armée sur une dette d'honneur
qu'il ne put rembourser et devait son aisance à son mariage avec
une riche fille adoptive.
C'est la mère d'ailleurs, qui tient les cordons
de la bourse et qui sera consultée, après la visite chez
Freud, sur l'opportunité d'entreprendre une cure. A l'horizon amoureurx,
la dame qu'il "vénère" et courtise sans espoir : pauvre,
pas très belle, maladive et sans doute stérile, elle ne veut
pas trop de lui. Le père souhaiterait, à son exemple, un
mariage plus pargmatique. Il a, par ailleurs, quelques rares liaisons ancillaires.
Il a un ami "comme un frère" qu'il interroge en cas de désespoir;
ce fut lui qui conseilla de consulter. La lecture qu'il avait fait de la
Psychopathologie de la vie quotidienne le conduisit chez Freud. Ses études
de droit n'en finissent pas et la procrastination s'est aggravée
depuis la mort du père.
L'effort de Freud fut
de lui faire reconnaître sa haine refoulée pour son père
; et comment une renonciation relative à la génitalité
aboutit à une régression de la libido au stade anal
: celle-ci y devient désir de destruction. Ernst semble avoir bénéficié
grandement de la cure. La guerre de 1914 mit un terme à son élan
retrouvé.
Obsession
On voit que ce qui reste incompréhensible
est le caractère spécifique de la maladie : l'obsession.
Pourquoi le refoulé fait-il retour immédiat avec une virulence
proportionnelle à la force du refoulement, au point que celui-ci
puisse présenter par une de ses faces le refoulé même
? Pourquoi ces actes implusifs qui contraignent l'obsédé
?
Les obsessions sont remarquables par leur
caractère résolument sacrilège : les circonstances
qui appellent l’expression du respect, de l’hommage,
de la dévotion ou de la soumission sont régulièrement
déclenchantes d’ « idées » injurieuses, obscènes,
scatologiques, voire criminelles. Bien souvent articulées
sous la forme d’une adresse impérative (par
exemple, cette « idée » visant la femme aimée
: « Maintenant, tu vas lui ch… dans la bouche… »),
elles sont reconnues par le sujet comme l’expression de sa volonté
propre, effaré et terrorisé qu’elle
soit aussi monstrueuse. Il lui faut donc remarquer que ces incidentes
ne sont jamais prises pour être d’inspiration étrangère,
même si leur audition peut, dans certains cas, être quasi hallucinatoire.
Une lutte, dès lors, s’engage, faite
de contre-idées expiatoires qui peuvent occuper toute
l’activité mentale diurne jusqu’à ce que le sujet s’aperçoive,
à son effroi redoublé, que ces contre-mesures sont elles-mêmes
infiltrées. L’image s’impose de la faille,
dont le colmatage, à peine assuré, annonce que s’en ouvre
une autre ailleurs. On reconnaîtra, dans ces figurations
familières de notre imagerie mentale, l’expression du cauchemar
mais aussi du comique. Les actions compulsionnelles, à fin vérificatrice
ou expiatoire, sont frappées d’une ambiguïté semblable
et peuvent s’avérer elles aussi involontairement obscènes
ou sacrilèges.
… Un automobiliste se sentira ainsi contraint de revenir sur son chemin
pour contrôler s’il n’a pas renversé un passant à tel
carrefour, sans s’en être avisé ; il va de soi que la vérification
ne pourra le convaincre puisqu’une ambulance a pu passer et les témoins
s’être dispersés.
Un telle symptôme vaut d’être retenu
parce qu’il conjoint acte et doute ; l’obsessionnel
n’est pas seulement dans la frayeur de commettre quelque acte grave (meurtre,
suicide, infanticide, viol, etc.) que ses idées pourraient lui imposer,
mais aussi dans celle de l’avoir accompli par inadvertance.
En forçant le trait, on dégagera progressivement la figure
d’un type humain qui n’est rare : vieux garçon resté proche
de sa mère, fonctionnaire ou comptable épris d’habitudes
et de petites manies, scrupuleux et soucieux d’une justice égalitaire,
privilégiant les satisfactions intellectuelles et voilant par sa
civilité ou la religiosité une agressivité mortifère.
? Obsessions impulsives
Craintes de faire quelque chose de nocif. Ces obsession mènent
à des compulsions. Le sujet a très peur de perdre le contrôle
de lui-même. Il y a inversion d’un projet
sadique. L’agressivité devient par exemple la crainte
de ne pas renverser un passant.
On parle d’inversion d’un projet sadique qui serait du plaisir à faire souffrir. Ex : la mère qui a peur de tuer son enfant. Le sujet ne réalise quasiment jamais l’acte redouté.
? Obsessions phobiques
Ressemble aux OI, mais # car il s’agit de la crainte d’objet (d’avoir
envie d’utiliser certains objets) Ex : couteaux. Peut aboutir à
des compulsions de vérification (est-ce que tous les couteaux sont
bien rangés ?)
On a envie de contaminer les autres mais comme on a du mal à
l’admettre, on le renverse.
? Obsessions idéatives
Idées qui s’imposent à l’esprit qui ont un caractère
désagréable ou très culpabilisant. Ex : représentation
de phrases obscènes ou chiffre, mots qui tournent sans cesse. Ou
tâche intellectuelle que le sujet doit accomplir (calcul ou listes)
, ou des doutes interminables, ou rumination sur des erreurs anciennes,
ou réflexions moralistes sur le bien et le mal.
Névrose Obsessionnelle = névrose qui se caractérise
par un certain trait de personnalité prédisposante.
Personnalité obsessionnelle est comme une base, comme un terrain
propice à la NO. (tendance à froideur affective, doute, hypercontrôle.
Si MDD échouent, alors là il y a angoisse, là il y
a névrose.
Lutte contre tendance sadique-anale. Fixation au stade SA où
l’enfant expérimente 2 types de plaisirs :
- Plaisir 1 = plaisir d’expulsion (d’agression)
- Plaisir 2 = plaisir de rétention (garder pour soi).
Au moment du passage à l’oedipe, ce stade est dépassé,
alors que, pour le sujet ob-sessionnel, il y a fixation à ce stade
SA.
Le surmoi est en désaccord avec cette pulsion agressive.
Le moi, grâce au refoulement, ne ressent pas l’angoisse, mais
lorsque le refoulement échoue, le moi va ressentir cette angoisse.
Le sujet va déplacer l’angoisse vers
l’extérieur. J’ai envie de contaminer devient : j’ai
peur de l’être.
Rituels : il y a une contrainte mais envie de protection. But magique.
Il y a aussi impossibilité de différer la compulsion.
Le prix de la dette
La forclusion du réel,
cette catégorie qui s'oppose à "toute" totalitarisation (et
aussi bien à la pensée qui fonde le totalitarisme), équivaut
à une forclusion de la castration.
Voilà l'impayé
dont la dette hante la mémoire de l'obsessionnel, toujours soucieux
d'équilibrer les entrées et les sorties ; dans
le cas de l'Homme aux rats, c'est d'abord l'impayé
de son père, qu'il réglera sans doute du prix de sa vie.
Mais le rejet de l'impératif phallique se payera du retour, au lieu
d'où pour le sujet se profèrent les messages qu'il aura à
reprendre à son compte (le lieu Autre dans la théorie lacanienne),
de l'impératif pur, déchaîné, sans plus de limite
(puisque la castration est forclose) et donc gros de tous les risques.
On conçoit la répugnance de l'obsessionnel
aux expressions de l'autrorité, même s'il est un partisan
de l'ordre.
En revanche, faute de référence phallique,
cet impératif de l’Autre surgira désormais et excitera les
zones dites « prégénitales » (orales, scopique,
anale) comme autant de lieux propices à une jouissance, perverse
et coupable dans ce cas car purement égoïste.
Le lorgnon perdu d’Ernst Lanzer nous rappelle le
voyeurisme de son enfance et l’histoire des rats, son analité. Mais
l’homosexualité prêtée à l’obsessionnel est
d’un type spécial puisqu’elle inclut non seulement le désir
de se faire pardonner l’agressivité contre le père
et d’être aimé par lui, mais aussi le retour dans le réel
et sur un mode traumatique de l’instrument qu’il s’était agit d’abolir.
Cette abolition a déjà provoqué, on l’a vu, le retour
dans l’Autre (d’où s’articulent les pensées du sujet) d’une
obscénité déchaînée et sacrilège
effectivement, s’il est vrai qu’elle concerne l’instrument qui aussi commande
le plus haut respect.
Mais aussi elle justifie la rétention de
l’objet, nommé par Lacan « petit a », support de plus-de-jouir
que l’obsessionnel se ménage par accès mais au prix d’infinies
précautions et d’une constipation mentale. Quant
aux actes impulsifs, enfin, ils viennent sans doute rappeler par leur impuissance
l’acte majeur (la castration) auquel l’obsessionnel a préféré
se dérober et qui ne lui laisse plus que la mort pour
acte absolu, redouté et désirable à la fois.
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Nom-du-Père
Produit de la métaphore paternelle qui, désignant
d'abord ce que la religion nous a appris à invoquer, attribue la
fonction paternelle à l'effet symbolique d'un pur signifiant et
qui, dans un second temps, désigne ce qui régit toute la
dynamique subjective en inscrivant le désir au registre de la dette
symbolique.
Si le nom-du-père est un concept fondamental
dans la psychanalyse, cela tient au fait que ce que le patient vient chercher
dans la cure est le trope de son destin, c'est-à-dire ce qui de
l'ordre de la figure de rhétorique vient commander son devenir.
A ce titre, OEdipe et Hamlet restent exemplaires. Est-ce à dire
que la psychanalyse inviterait à une maîtrise de ce destin
? Tout va contre cette idée dans la mesure où le Nom-du-père
consiste principalement en la mise en règle du sujet avec son désir,
au regard du jeu des signifiants qui l'animent et constituent sa loi.
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