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paranoïa
Organisation psychotique de la personnalité liée à l'absence dans le sujet de la fonction paternelle symbolique.

    Cette forclusion du "Nom-du-Père" ôte tout sens à ce qui relève de la signifiaction phallique, dont la rencontre plonge le sujet dans le désarroi, le livrant au retour dans le réel, sous forme d'hallucinations, de ce qui fait défaut au niveau symbolique. Le délire va suppléer à la métaphore paternelle défaillante, en construisant une "métaphore délirant", destinée à donner sens et cohésion à ce qui en est dépourvu.
    S. Freud, à la suite de Kraepelin englobe dans la paranoïa, outre le délire de persécution, l'érotomanie, le délire de jalousie et le délire des grandeurs. Il s'oppose ainsi à Bleuler, qui fait entrer la paranoïa dans le groupe des schizophrénies, retrouvant à l'origine des deux maladies mentales le même trouble fondamental, la dissociation.
    Freud, cependant, pour d'autres raisons, en particulier parce que la systématisation du délire ne suffit pas à ses yeux à définir la paranoïa, n'hésite pas à rattacher à ce groupe certaines formes, dites "paranoïdes", de la démence précoce. Ainsi, dans le titre même de son observation du cas Schreber, il fait équivaloir paranoïa et démence paranoïde (dementia paranoïdes)

    Le cas Schreber
    Freud établit en 1911 l'observation d'un cas de paranoïa à partir des :"Mémoires d'un névropathe" (1903) du président Schreber, éminent juriste qui avait écrit et publié lui-même l'histoire de sa maladie. Celle-ci avait commencé, après sa nomination à la présidence de la cour d'appel, progressivement sous la forme d'un "délire hallucinatoire" multiforme pour culminer ensuite dans un délire paranoïde systématisé, à partir duquel, selon l'un de ses médecins, "sa personnalité s'était réédifiée" et il avait pu se montrer "à la hauteur des tâches de la vie, à part quelques troubles isolés".

    Dans ce délire, Schreber se croyait appelé à faire le salut du monde, cela sous une incitation divine qui se transmettait à lui par le langage des nerfs et une langue particulière, appelée langue fondamentale. Pour cela, il lui faudrait être changé en femme.
    L'hypothèse de départ de Freud était qu'il pouvait aborder ces manifestations psychiques à la lumière des connaissances que la psychanalyse avait acquises des psychonévroses, parce qu'elles découlaient des mêmes processus généraux de la vie psychique.
    Ainsi, dans les rapports que, dans son délire, Schreber entretient avec Dieu, il retrouve, transposé, le terrain familier du "complexe paternel". Il reconnaît en effet dans ce personnage divin le "symbole sublimé" du père de Schreber, médecin éminent, fondateur d'une école de gymnastique thérapeutique, avec lequel celui-ci devait entretenir, comme tout garçon, des rapports faits à la fois de vénération et d'insubordination. De même, dans la subdivision entre un Dieu supérieur et un Dieu inférieur, il retrouve les personnages du père et de frère aîné.

    Narcissisme et homosexualité
    C'est essentiellement autour du rapport érotique homosexuel à ces deux personnes que Freud fait tourner son interprétation. Il considère en effet comme l'essence de la paranoïa que Schreber ait dû construire un délire de persécution pour se défendre du fantasme de désir homosexuel, qu'exprimerait, selon lui, la féminisation exigée par sa mission divine. Et ce fantasme, présent dans l'évolution normale du garçon, ne deviendrait cause de psychose que parce qu'il y aurait, dans la paranoïa, un point de fragilité qui se trouverai "quelque part aux stades de l'autoérotisme, du narcissisme et de l'homosexualité".
    Cette référence au narcissisme sera précisée en 1914 lorsqu'il distinguera plus nettement encore la libido d'objet de la libido narcissique, du côté de laquelle il situera la psychose dans son ensemble. Chez les schisophrènes comme chez les paranoïaques, il suppose en effet une disparition de la libido d'objet au profit de l'investissement du moi et le délire aurait pour fonction secondaire de tenter de ramener la libido à l'objet.
    Cette réflexion se trouve déjà dans les travaux de K. Abraham (1908), qui oppose, à propos de la démence précoce, les deux types d'investissement, de même qu'il suppose à la persécution une origine érotique, le persécuteur n'étant autre au départ que l'objet sexuel lui-même.

    Le mécanisme projectif
    Freud, en reprenant cette thèse, va lui donner un développement très important, puisqu'elle va fonder l'essentiel de sa théorie : le délire de persécution, en effet -- de même d'ailleurs que les délire érotomaniaques et de jalousie --, serait toujours le résultat d'une projection, qui produit, à partir de l'énoncé de base homosexuel : "Moi, un homme, j'aime un homme" d'abord sa négation : "Je ne l'aime pas, je le hais", puis l'inversion des personnes : "Il me hait." Par cette projection, ce qui devrait être ressenti intérieurement comme de l'amour est perçu, venant de l'extérieur, comme de la haine et le sujet peut éviter ainsi le danger dans lequel le mettrait l'irruption à sa conscience de ses désirs homosexuels. Danger considérable du fait de la fixation de ces malades au stade du narcissisme, ce qui ferait de la menace de castration une menace vitale de destruction du moi. Le délir apparaît donc comme un moyen pour le paranoïaque d'assurer la cohésion de son moi en même temps qu'il rebâtit l'univers.

    Développement de la théorie freudienne
    De ces deux points essentiels dans la théorie freudienne de la paranoïa, régression au narcissisme et évitement par la projection des fantasmes homosexuels, le premier connut son développement le plus important à partir de Melanie Klein, pour qui toute psychose était un état de fixation ou de régression à un stade primaire infantile, dans lequel un moi précoce était capable, dès la naissance, d'éprouver de l'angoisse, d'employer des mécanismes de défense et d'établir des relations d'objet, mais avec un objet primaire, le sein, lui-même clivé entre un sein idéal et un sein persécuteur. Ce moi encore inorganisé et labile détournerait l'angoisse, suscitée en lui par le conflit entre les pulsions de vie et les pulsions de mort, d'une part au moyen de la projection et de l'autre par l'agressivité. On voit donc que, dès l'origine, tout être humain est psychotique, et en particulier paranoïaque. Cette position primitive est d'ailleurs dénomée "paranoïde-schizoïde".
    Par contre, en ce qui concerne le second point, c'est-à-dire le noyau homosexuel de la paranoïa, Melanie Klein ne le reprend pas et il pose d'ailleurs des problèmes de fond, que les contemporains de Freud eux-mêmes ont déjà soulevés.

    La forclusion du Nom-du-Père
    Mais c'est sans doute chez J. Lacan (Séminaire sur les psychoses, 1955-56) que cette question a été reprise de la manière la plus propre à l'éclairer. Revenant en effet à la lecture freudienne du texte de Schreber, il introduit une donnée essentielle pour comprendre ce que Freud appelle le "complexe paternel" chez le névrosé et ce qui le distingue de ce que l'on rencontre chez le psychotique, clarifiant du coup considérablement ce que signifie la prétendue "homosexualité" du paranoïaque. Cette donnée est celle de la fonction paternelle symbolique, ou métaphore paternelle, désignée encore sous le terme de Nom-du-Père, qu'il convient de distinguer du père réel en ce qu'elle résulte de la reconnaissance par une mère non seulement de la personne du père, mais surtout de sa parole, de son autorité, c'est-à-dire de la place qu'elle réserve à la fonction paternelle symbolique dans la promotion de la loi.
    Chez le paranoïque, cette métaphore n'est pas opérante. Il y a chez lui -- Lacan reprend là un terme plus tardif dans l'oeuvre de Freud -- Verwerfung, qu'il traduit par "forclusion", c'est-à-dire que, au lieu du Nom-du-Père, il y a un trou, qui produit chez le sujet un trou correspondant à la place de la signification phallique, ce qui provoque chez lui, lorsqu'il se trouve contronté à cette signification phallique, le désarroi le plus complet. C'est ainsi que se déclenche la psychose chez Schreber, au moment où il est appelé à occuper lui-même une fonction symbolique d'autorité, situation à laquelle il ne peut que réagir par des manifestations hallucinatoires aiguës, auxquelles peu à peu la construction de son délire viendra apporter une solution, constituant, à la place de la métaphore paternelle défaillante, une "métaphore délirante", destinée à donner un sens à ce qui pour lui en est totalement dépourvu.

    Dans cette conception, on comprend mieux à quoi correspond ce que Freud désigne comme homosexualité. Il s'agit plus exactement d'une position transsexuelle, c'est-à-dire d'une féminisation du sujet, subordonnée non pas au désir d'un autre homme mais à la relation que sa mère entretient avec la métaphore paternelle et donc avec le phallus. Dans ce cas, qui est de forclusion du premier terme, l'enfant est tenu d'être ce phallus maternel, la conclusion étant que, "faute de pouvoir être le phallus qui manque à la mère, il lui reste la solution d'être la femme qui manque aux hommes" ou encore la femme de Dieu.
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passe
    Procédure mise en place par J. Lacan dans son école pour poser la question de la fin de la psychanalyse, et renouveler à  partir de là les questions de l'analyse didactique et de la nomination des analystes.

    Depuis 1918, les associations de psychanalystes s'accordent à considérer qu'il est indispensable que tout psychanalyste ait été lui-même analysé. Il ne s'agit pas seulement, comme dans les années antérieures, d'une simple expérience ponctuelle destinée à faire reconnaître au particien la réalité de l'inconscient. On considère plutôt que, sans une analyse approfondie, celui-ci projetterait trop couramment sur ses patients ses propres difficultés et qu'il faut donc limiter au maximum les zones d'ombre, les points aveugles n'étant réductibles chez le psychanalyste comme chez n'importe qui. S. Ferenczi est un de ceux qui ont insisté le plus sur la nécessité de pousser aussi loin que possible ce que la tradition nomme "analyse didactique".
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père réel, père imaginaire, père symbolique
    Registres différents sous lesquels se présente la paternité, dans la mesure où on la rapporte à la fonction complexe qui est la sienne.

    Si le complexe d'OEdipe, posé par S. Freud comme constitutif pour le sujet humain, semble d'abord s'ordonner comme triangulation, l'enfant prenant comme objet d'amour le parent du sexe opposé et rivalisant avec le parent du même sexe, il est certain que les positions de la mère et du père ne sont pas équivalentes.
    Comment concevoir en effet ce qu'il en est du père ? A la fois objet d'une identification primaire, pris d'emblée comme idéal, il apparaît en même temps, au moins chez le garçon, comme le rival, lorsque l'enfant tente de s'approprier le premier objet d'amour, la mère. Chez la fille, les choses se compliquent encore du fait que dans un premier temps cet objet d'aour est le même, et que, au moins pour Freud, ce n'est qu'au terme d'une histoire que le père peut être choisi comme objet. Mais surtout on ne peut manquer de s'apercevoir qu'il y a une distance importante entre la figure du père dans le mythe oedipien et la personnalité du père telle qu'elle apparaît dans la réalité familiale. Ce n'est pas dire qu'un de ces deux termes doit être disqualifié au profit de l'autre, mais cela oblige à distinguer les niveaux et les fonctions de nos références au père, d'autant que ces distinctions sont essentielles dans l'expérience de la cure.
    Appelons, dans un premier temps, père réel le père concret, celui de la réalité famailiale. Il est semble-t-il attendu beaucoup de ce père : qu'il fasse valoir la loi symbolique, qui est d'abord prohibition de l'inceste, qu'il ménage un accès tempéré à la jouissance sexuelle. En ce sens "il faudrait, souligne J. Lacan (le Mythe individuel du névrosé, 1953), que le père représente dans toutes sa plénitude la valeur symbolique cristallisée dans sa fonction." Or, dit-il, "ce recouvrement du symbolique et du réel est absolument insaisissable. Au moins dans une structure sociale telle que la nôtre, le père est toujours, par quelque côté, un père discordant par rapport à sa fonction, un père carent, un père humilié comme dirait M. Claudel."
    Cette discordance a des conséquences essentielles. Dès 1938, dans un article sur :"la Famille : le complexe, facteur concret de la psychologie familiale ; les complexes familiaux en pathologie", Lacan voit dans la carence du père par rapport à ce qu'implique sa fonction le "noyau" de "la grande névrose contemporaine".

    Le père symbolique, c'est celui auquel renvoie la loi, l'interdit étant toujours, dans la structure, proféré au Nom-du-Père. On peut ajouter que c'est le père mort : si Freud, dans : "Totem et tabou" 1912-13, fonde l'inerdit sur la culpabilité des fils après le meurtre du père de la horde primitive, c'est sans doute que dans l'inconscient de chacun la Loi est référée avant tout à une instance idéalisée, ou mieux encore à un pur signifiant du Nom-du-Père qu'il peut y avoir castration, c'est-à-dire cette opération qui limite et ordonne le désir du sujet. Cette castration n'est bien sûr pas une mutilation réelle. elle ne se confond pas davantage avec les représentations fantasmatiques de démembrement, d'éviration ou d'éventrement. Pourtant cet imaginaire est présent chez le sujet, et d'autant plus encombrant que la castration symbolique a mal fonctionné. Quant au père imaginaire, qu'il apparaisse comme terrible ou comme débonnaire, ce qui lui est attribué, c'est la castration, ou mieux la privation de la mère, le fait qu'elle ne possède pas le phallus symbolique auquel l'enfant s'est d'abord identifié. Dans la logique de la théorie freudienne, c'est parce qu'il bute contre le manque de la mère que l'enfant est introduit à la question de sa propre castration.
    Dans cette perspective il faut faire, avec Lacan, une place à part à la notion de père réel. La fonction du père réel n'est pas de proférer l'interdit, qui résulte finalement de la prise du langage sur le sujet humain, et qui s'organise autour du Nom-du-Père. Le père réel est celui qui permet à l'enfant d'avoir accès au désir sexuel, celui qui permet notamment au garçon d'avoir une position virile. Pour cela, il convient que le père réel puisse faire la preuve qu'il possède l'atout maître, le pénis réel : l'interdit ne peut faire passer le sujet à une position sexuée qu'à la condition que la mère, interdite pour lui, ne soit interdite que parce que le père la possède, non parce que la sexualité serait en général activité vulgaire ou inconvenante.
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perlaboration
    Travail, souvent long et difficile, destiné à éviter que l'analysant ne s'enfonce dans la résistance et refus de reconnaître certaines interprétations.

    Le fait de résister est un moyen nécessaire du sujet en analyse pour s'assurer de sa place. En sorte que, si la perlaboration apparaît comme un moment pénible de l'analyse, elle n'en est pas moins nécessaire et douée d'une fécondité propre.
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perversion
    Expérience d'une passion humaine où le désir supporte l'idéal d'un objet inanimé.

    La perversion n'est pas simple aberration de la conjonction sexuelle par rapport aux critères sociaux établis. Elle met en oeuvre le primat du phallus en réalisant une fixation de la jouissance sur un objet imaginaire -- souvent erratique -- en lieu et place de la fonction phallique symbolique qui organise le désir sous le coup de la castration et du manque.
    La perversion isole dans son bien la fonction de l'objet dans son rapport complexe de castration en tant que cet objet s'énonce comme cause qui dicte la dialectique du désir chez le névrosé. S. Freud notait "que la prédisposition aux perversions était la prédisposition originelle et universelle de la pulsion sexuelle" (Trois Essais sur la théorie sexuelle, 1905).

    Description princeps de la découverte freudienne
    La description de Freud observe trois temps.
    1) La découverte puis la reconnaissance par le garçon d'abord, et à un degré moindre par la fillette, de deux catégories d'êtres : ceux pourvus d'un pénis et ceux qui ne l'ont pas. La stupeur et l'effroi qui connotent cette découverte détermine chez le garçon la crainte d'une castration dont l'exécution est traditionnellement attribuée à la fonction du père.
    2) Le second temps est celui du refus, du désaveu de la représentation ou désaveu, que d'autres auteurs traduisent par déni : "Il n'est pas vrai...", proposition qui combat l'angoisse et la menace de castration.
    3) Enfin, une solution de compromis maintient les deux propositions contraires dans l'inconscient, qui peut les admettre, favorisant un clivage subjectif comportant aussi bien le désaveu que le reconnaissance de la castration. L'observation de Freud éclaire la raison pour laquelle la perversion est le point faible de l'homme alors qu'elle ne se rencontre qu'exceptionnellement chez une femme.

    La castration symbolique
    La castration imaginée par le garçon autant que la privation éprouvée par la fille relèvent spécifiquement de la castration symbolique, qui universalise le manque à l'origine du désir selon les lois du langage, où le phallus est le signifiant originairement refoulé. A ce titre, le phallus ne peut intervenir que dans sa fonction symbolique, c'est-à-dire sous la forme de ce qui doit rester voilé ou encore selon le privilège que lui donne la névrose : d'avoir à le "retrouver" au lieu même où s'exerce la castration.
    Mais essentiellement la castration implique que, chez le mâle, ce sur quoi il a à se fonder est cette part d'une jouissance perdue (voire proscrite par l'interdit de l'inceste). Et c'est cette part originairement soustraite que le pervers s'emploie à récupérer par le biais d'un objet de jouissance à la différence du névrosé, pour lequel l'intérêt réside dans les effets de désir que suscite le manque. Ainsi, le fétiche réalise cette double opération d'un désaveu tout en fournissant la garantie dernière à cette jouissance par le biais d'un objet concret (chaussure, "brillant du nez"...) établissant un rapport métonymique au signifiant phallus.
    De même c'est par un dévoilement inopiné que l'exhibitionniste révèle la dimension phallique de ce qui est exhibé, en forçan la pudeur de l'autre, en provoquant sa stupeur. La relation au signifiant phallique étant ordinairement fermée au sujet, il ne peut y avoir accès que du lieu de l'Autre. Ainsi, primordialement, c'est au lieu de la mère qu'est requis ce signifiant qui divise inauguralement le sujet dans son désir. Ce dispositif symbolique affecte le lien social du pervers dans la mesure où sa volonté de fléchir l'autre au gré de la jouissance d'une partie de son corps ("Kant avec Sade", 1963 ; in Ecrits, 1966) jusqu'au tréfonds de l'angoisse de l'autre marque la division du sujet qui lui revient comme de l'Autre.
    Si le pervers met en oeuvre la gamme des objets (voix, regard, sein, fèces) comme le névrosé, son désir reste confiné à une jouissance clandestine, asservie à cette part interdite de l'Autre. D'où la nécessité de s'assurer de l'Autre inconscient et de réaliser conjointement la fixation de suspension de la chaîne signifiante.

    Le modèle clinique de l'homosexualité masculine
    A tout ce qui vient d'être évoqué jusqu'ici, l'homosexualité masculine ajoute une dimension supplémentaire : l'image du moi libidinalisée dicte le choix d'un objet dans la personne propre au travers d'un autre. Cette situation fait la complexité et la vacillation perpétuelle qui caractérisent l'homosexualité masculine. Freud indiquait déjà en 1915 que les "pulsions sexuelles s'étayent d'abord sur la satisfaction des pulsions du moi" (pulsions et destins des pulsions). Ainsi, la fixation à une blessure ou à l'état d'abandon narcissique induit un procès de restitution dans la vie amoureuse au travers d'une revalorisation phallique de l'image libidinalisée du sujet à laquelle l'autre est prié d'aliéner sa liberté. Cette image, à la fois blessée et libidinalisée, commande le choix narcissique fait d'identité et de fraternité : cette perversion, grâce à la sublimation dont elle est capable, devient l'idéal social par excellence.
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phallique (stade)
    Phase de la sexualité infantile, entre 3 et 6 ans, dans laquelle, dans les deux sexes, les pulsions s'organisent autour du phallus.

    Il est vrai cependant que le phallus comme signifiant a un rôle déterminant pour le sujet dès le début de la vie, ce qui peut faire hésiter à isoler en tant que tel un stade phallique.
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phallus
    Symbole du sexe masculin érigé.

    La conception freudienne du phallus
    Pour Freud, le terme phallus, qui apparaît à de nombreuses reprises, à propos des symboles phalliques dans le rêve, à propos de l'organisation de la phase phallique, sert à affirmer le caractère intrinsèquement sexuel de la libido. En cela, il s'oppose par exemple à la théorie de C. Jung, où le désir est rattaché à des forces vitales métaphysiques où les mythes gardent leur accent initiatique religieux.
    L'accent mis sur l'adjectif phallique correspond à une position théorique essentielle de la part de Freud : la libido est essentiellement masculine, même pour la petite fille, en dépit des affirmations d'élèves de Freud comme E. Jones ou K. Horney. On ne peut pas dire "à chacun sa libido ou à chacun son essence" : le phallus est une sorte d'opérateur de la dissymétrie nécessaire au désir et à la jouissance sexuels. Cette dissymétrie engendre-t-elle un discours chez Freud ? Il est vrai que, si le phallus est attaché à Eros, cette force même tend à l'union tandis que Thanatos désunit, désorganise. Pourtant dans : "Au delà du principe de plaisir" 1920, Freud montre comment la reproduction sexuée implique la mort de l'individu ; ce qui est phallique ne peut donc pas être un pur symbole de la vie. La complexité de cette notion, chez Freud, se joue, semble-t-il, moins sur l'irréductible différence entre les sexes que sur l'opposition entre la vie et la mort.

    La conception lacanienne du phallus
    Ce n'est qu'avec Lacan que le phallus devient véritablement un concept fondamental de la théorie psychanalytique. De quoi s'agit-il à propos du phallus ? De l'assomption, par l'homme de son sexe. dans l'article : "la Signification du phallus" 1958, publié dans les Ecrits 1966, Lacan marque d'emblée l'enjeu symbolique du phallus dans l'inconscient et sa place dans l'ordre du langage : "C'est seulement sur la base des faits cliniques que la discussion peut être féconde. Ceux-ci démontrent une relation au phallus qui s'établit sans égard à la différence anatomique des sexes. Le phallus est un signifiant, un signifiant dont la fonction dans l'économie intrasubjective de l'analyse soulève peut-être le voile de celle qu'il tenait dans les mystères. Car c'est le signifiant destiné à désigner dans leur ensemble les effets de signifié, en tant que le signifiant les conditionne par sa présence de signifiant." D'est dire que Lacan met le phallus au centre de la théorie psychanalytique en faisant l'objet du refoulement originaire freudien. C'est ainsi que l'on doit entendre l'affirmation lacanienne suivante : "Le phallus ne peut jouer son rôle que voilé." Cela a des conséquences techniques et cliniques. Le dévoilement du phallus est donc à l'opposé de l'interprétation psychanalytique, mais renvoie à une initiation vers un signe dernier et sidérant. S'il est vrai pourtant qu'en dernier recours toute signification renvoie au phallus, ce n'est pas comme à une clé magique des songes et des discours, mais dans la prise en compte de la barre qui sépare signifiant et signifié et qui divise aussi bien le sujet désirant ($) puisque "l'inconscient est structuré comme un langage".

Le phallus dans le noeud borroméen
    Ce noeud a la particularité de nouer trois ronds de ficelle sans les nouer deux à deux : si un rond est rompu, le noeud se rompt. Chaque rond est équivalent aux autres et, si chacun représente le Réel, l'Imaginaire, le Symbolique, cela veut dire que ces trois dimensions sont d'égale importance pour l'abord des questions théoriques et cliniques. Cela veux dire également, si le noeud est figuré à plat, que tout ce qui est alors distribué en différentes surfaces a des bords qui appartiennent aux trois ronds différents.
    Cela contraint de penser le Réel, l'Imaginaire et le Symbolique en termes de trous et non de substances. Cela empêche également de restaurer à leur occasion quelque hiérarchie ou genèse.
    Le phallus est situé comme "ex-sistence" dans la dernière partie de l'oeuvre de Lacan ; il s'agit là de le repérer dans l'écart entre le rond du Réel et celui du Symbolique, à la limite de la jouissance phallique qui, au bord de l'objet a, s'articule à la jouissance de l'Autre et au sens. Le phallus est donc une notion centrale pour la psychanalyse, à la condition d'en articuler et d'en entendre les trois dimensions dans un abord à la fois logique et topologique qui, de façon différente mais non contraire, permet de ne pas en faire une substance, magique, religieuse, métaphysique. Signifiant de la jouissance sexuelle, il est le point où s'articulent les différences dans le rapport au corps, à l'objet et au langage.
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phobie
    Attaque de panique devant un objet, un animal, un aménagement particulier de l'espace qui jouent comme signaux d'angoisse.

    Situation freudienne de la question de la phobie : l'angoisse de castration
    La phobie est d'emblée une notion psychanalytique. S. Freud l'appelle hystérie d'angoisse. Malgré l'éclatement de cette notion en symptômes divers surgis dans l'hystérie, la névrose obsessionnelle, la psychose même, il se dessine une spécificité structurale de la phobie. Son enjeu, qui peut être étudié dans la très fréquente et passagère phobie infantile, est la symbolisation même, dans son lien difficile avec l'imaginaire.
    L'hystérie d'angoisse, chez Freud, s'oppose à l'hystérie de conversion, où de grandes formes d'excitation liée à l'investissement libidinal d'une représentation angoissante liée à la sexualité apparaît en elle-même, produit une fuite qui oriente l'investissement vers une représentation sybstitutive qui joue le rôle à la fois de signal d'angoisse et d'écran devant la vraie raison de cette angoisse, qui est à trouver et à définir.
    L'intérêt de cette question tient à ce que ni Freud ni J. Lacan, dans leurs élaborations si nouvelles à ce sujet, n'ont eu de position théorique immuable. Et l'on peut dire que, chez Freud, malgré la guérison du cas appelé "le petit Hans" (1905; trad. fr. in Cinq Psychanalyses, 1954), la situation de la phobie a été renouvelée en 1920 dans : "Inhibitions symptôme, angoisse" sans être pour autant conclue. Quelle est donc la question spécifique de la phobie ? Peut-on tirer de l'exposé de l'élaboration nécessaire de cette question quelque chose qui nous guiderait vers ce que la phobie a d'original ? Freud, dans l'analyse du petit Hans, expose un cas qui noue la question de la phobie, ici du cheval, à ce qu'on appelle phobie enfantile c'est-à-dire ce moment de l'enfance, 3 à 5 ans peut-être, où souvent le sujet prend peur de façon irraisonnée devant certains animaux et certains espaces et où surgit ainsi le signal de ce que Freud théorise comme l'angoisse de castration. Cette phobie se résout le plus souvent avec la prise en compte par l'enfant de l'ordre qui régit non seulement sa sexualité, mais la transmission et la filiation.
    Le petit Hans n'osait sortir dehors ; il avait peur qu'un cheval attaché à une carriole ne le morde. Il semble qu'il ait craint surtout que ce cheval ne tombe et ne fasse alors un "charivari". Freud ne mena pas directement la cure, mais indirectement, par les parents de Hans, qui étaient ses élèves. Cela n'est pas indifférent par rapport à cette interrogation fondamentale du phobique sur la transmission du savoir concernant le désir et la jouissance. Le petit Hans, comme tout phobique, si "infirme" qu'il soit dans sa claustration, est vif, intelligent, lucide et démystificateur. Il est volontiers ironique devant les théorisations parentales qui caricaturent pesamment les théories freudiennes sur le complexe d'OEdipe et l'angoisse de castration, tout en en reconnaissant la justesse, d'ailleurs. En effet tout le travail que Hans fait sur la différence sexuelle, sur la venue des enfants et en particulier de sa soeur Anna si jalousée, sur son déni devant le sexe de sa soeur élabore peu à peu autre chose que la panique devant ce substitut phallique qu'est le cheval dans la réalité extérieure ; il admet peu à peu ce que l'angoisse de castration enjoint de symboliser et il est conduit à une certaine guérison.

    Dans : "Inhibition, symptôme, angoisse"1920, Freud renvoie la phobie à une angoisse du moi et situe ainsi l'angoisse de la phobie directement en relation avec la menace de castration, tandis que l'angoisse hystérique se manifeste par la perte de l'amour du côté de l'objet et que l'angoisse de la névrose obsessionnelle se joue par rapport au surmoi. Il ne semble pas pourtant que ces précisions invalident l'idée d'une motion pulsionnelle refoulée qui reviendrait comme une perception de l'extérieur. Car, même si le concept freudien de projection, inventé et opératoire à propos de la paranoïa, ne convient pas vraiment à la phobie, dans la mesure où l'opposition de l'intérieur et de l'extérieur renvoie à une prégnance imaginaire qui ne peut organiser qu'en impasse les liens entre le langage et la façon dont le sujet s'y situe, on peut dire que la phobie pose la question même du refoulement. Cependant, si le refoulement originaire y est en place, il semble que le lien entre les mots et l'imaginaire, qui concerne l'espace et le regard, constitue une solution originale. S'ajoute donc la question suivante : la cure d'un phobique doit-elle conduire à une névrotisation ? S'il est vrai que le phobique a inventé tout un montage pour éviter la castration et la névrotisation qui marque la symbolisation qu'elle engendre, doit-on pour autant en éluder la raison, et peut-être le bénéficice, et ne pas tenter de repenser la question et les enjeux de la castration ?

    L'idée lacanienne du signifiant phobique
    Lacan, dans le séminaire sur "la Relation d'objet" (1956-57), étudit quasi mot à mot l'analyse du petit Hans relatée par Freud. Il nous fait passer de la considération stérile de l'objet phobique à l'idée opératoire de signifiant phobique. Ce signifiant phobique, par exemple le "Pferd" pour Hans, y est défini comme signifiant à tout faire, véritable métaphore du père qui permet à l'enfant de symboliser le Réel de la jouissance phallique, qu'il découvre et qui fait surgir les enjeux oedipiens.
    L'objet phobogène est situé alors par Lacan comme ce qui, dans l'espace, sert à masquer l'angoisse fondamentale du sujet. "Pour combler quelque chose qui ne peut se résoudre au niveau du sujet, au niveau de l'angoisse intolérable, le sujet n'a d'autre ressource que de se fomenter la peur d'un tigre de papier". La question est alors de savoir ce qui lie l'objet phobogène au signifiant phobique ; mais cela ne semble pas directement abordé chez Lacan, bian que ce ne soit qu'à partir de la théorie lacanienne de l'objet a, et en particulier de ce qu'il dit du regard, que le problème de cette articulation puisse être résolu.
    Dans le Séminaire XVI "D'un autre à l'Autre" (1968-69), Lacan prend position sur la question de savoir si on peut parler d'une "structure phobique" : "On ne peut pas y voir une entité clinique", dit-il, "mais plutôt une plaque tournante", quelque chose qui doit être élucidé dans ses rapports avec ce à quoi elle vire le plus communément, à savoir les deux grans ordres de la névrose, l'hystérie et l'obsession, mais aussi bien la jonction qu'elle réalise avec la perversion".
    En effet, il se pose un question : comment distingue-t-on l'objet phobique de l'objet fétiche ? Ils entretiennent tous deux un rapport direct avec l'angoisse de castration, ils ont valeur de signifiants, mais sont tous deux imaginarisés; ils représentent tous deux une certaine positivation du phallus et ménagent un accès à la jouissance phallique.

    Les conséquences cliniques et théoriques de l'oeuvre de Lacan sur la conception de la phobie
    L'oeuvre de Lacan permet d'avancer sur les différentes questions posées par la phobie - et, sans doute, de poser l'hypothèse d'une structure propre à la phobie ; hypothèse importante car, assez souvent, de grands phobiques sont situés et traités comme des psychotiques.
    Il existe des phobies d'animaux et des phobies de l'espace (agoraphobie, claustrophobie).
    Or, il semble que Lacan puisse nous aider à résoudre cette distinction. C'est l'un des enjeux de l'étude de Melman, qui pose la phobie comme "une maladie de l'imaginaire". Reprenant les descriptions anciennes de M. Legrand du Saulle (1878), il remarque en effet combien ce sont les espaces organisés par la perspective qui sont phobogènes : places désertes où rien n'arrête le regard, belvédères, points de vue vertigineux. Notons alors que l'animal, cet "automaton", surgit souvent de ce qui a fonction de point de fuite, comme si ce point -induit par un rapport à l'espace réglé par l'image spéculaire, vue et articulée par une parole dans le miroir - n'était plus rattachable à une géométrisation mais pouvait surgir comme un lambeau d'espace, doué de sa propre autonomie.
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plaisir (principe de)
    Principe régissant le fonctionnement psychique, selon lequel l'activité psychique a pour but d'éviter le déplaisir et de procurer le plaisir.

    Pour S. Freud, le principe de plaisir, présenté parallèlement au principe de réalité, est affirmé comme une certitude, mais en même temps source de diverses difficultés. Il peut être conçu sur le modèle de l'apaisement d'un besoin, lié à la satisfaction des pulsions d'autoconservation mais, par lui-même, il tendrait plutôt vers une déréalisation, Freud disant par exemple que le nourrisson, sous l'influence du principe de plaisir, hallucinerait le sein plutôt que de se nourrir.
    Il est par ailleurs surtout présenté comme principe de diminution de la tension, mais Freud reconnaît l'existence de tensions agréables. De plus, l'existence d'un au-delà du principe de plaisir vient interroger, à partir de l'hypothèse de la pulsion de mort, sur ce que l'homme recherche effectivement. La notion lacanienne de jouissance constitue une tentative pour résoudre ces difficultés.
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préconscient
    Instance psychique supposée par S. Freud après sa découverte de l'inconscient pour représenter dans l'appareil psychique un lieu intermédiaire entre le conscient et l'inconscient, lieu nécessaire pour assurer le fonctionnement dynamique de cet appareil.

    L'apport de l'Interprétation des rêves
    La publication de "l'Interprétation des rêves", en 1900, fait connaître les théories freudiennes à partir de l'étude du rêve, pris comme paradigme de formations psychiques anormales ainsi que Freud le mentionne dès la première édition. Il y établit d'abord que le rêve est une production de l'inconscient. Toujours à l'affût des contradictions, il s'aperçoit, en étudiant l'élaboration secondaire du rêve, qu'il bute "sur les sentiments de critique à l'intérieur du rêve" et se demande d'où vient que, "dans un rêve, nous puissions avoir le sentiment que ce n'est qu'un rêve". Il constate que "le contenu du rêve ne provient pas tout entier des pensées du rêve mais qu'une fonction psychique inséparable de notre pensée de veille peut lui fournir une partie de ses éléments" - ce qui exige " l'hypothèse du préconscient - et il ajoute que "cette fonction qui censure peut aussi produire des adjonctions et des accroissements", qu'il nomme "pensées intermédiaires". Il en souligne le caractère tendancieux visant à "enlever au rêve son apparence d'absurdité et d'incohérence".
    Il identifie "l'élaboration secondaire avec le travail de notre pensée de veille (pensée préconsciente), qui se comporte à l'égard des éléments fournis par la perception exactement comme l'élaboration secondaire vis-à-vis du contenu du rêve. Elle met de l'ordre, établit des relations, apporte une cohésion intelligible." Freud stipule encore que le préconscient assure la création de compromis dans les formations de l'inconscient aures que le rêve : symptôme, mot d'esprit, lapsus, acte manqué. Il conclut à cette époque que "la psychothérapie ne peut suivre un autre chemin que celui de mettre l'inconscient sous la domination du préconscient".

    Les apports de la Métapsychologie
    Quinze ans après : "l'interprétation des rêves", Freud précise dans : "la Métapsychologie" 1917 certaines propriétés du préconscient : "Le système préconscient-conscient régit l'affectivité aussi bien que l'accès à la motilité" et c'est au préconscient qu'incombe la dépense permanente du refoulement orginaire grâce à un "contre-investissement". Dans le refoulement proprement dit, il s'y ajoute le retrait d'investissement préconscient sur les rejetons inconscients.
    Dans le préconscient règnent le principe de réalité et, avec lui, la relation au temps. Il est le siège d'une certaine mémoire dont le contenu probient en partie de la vie pulsionnelle et en partie de la perception. En 1916, Freud n'hésite pas à assimiler "la vie psychique normale au système préconscient".
    A partir de 1920, la deuxième topique : le ça, le moi, le surmoi, se substitue à la première sans la recouvrir et le préconscient perd sa référence topique pour n'être plus qu'une qualité du moi. Dans L'Abrégé de la psychanalyse, Freud reprend sa définition première du préconscient (lettre 52) et il ajoute que "le fait qu'un processus soit conditionné par la parole permet de conclure à coup sûr que ce processus est de nature préconsciente" et que "l'état préconscient, caractérisé d'un côté par son accession à la conscience, d'un autre côte par sa liaison avec les traces verbales est bien quelque chose de particulier dont la nature n'est pas épuisée par ces deux caractères."
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privation
    Absence réelle d'un objet que le sujet peut concevoir comme devant lui appartenir, ou comme devant appartenir à celui qu'il perçoit comme en étant indûment dépouillé.

    Si pour la psychanalyse un sentiment de manque est lié à tout désir, cela ne signifie pas que tout manque soit réel. En revanche il y a parfois effectivement manque réel. La rencontre de la différence des sexes pour l'enfant passe par la reconnaissance de fait que la mère n'a pas de pénis, qu'elle en est réellement privée. Encore convient-il de remarquer que même ici le symbolique intervient. Pour Lacan, qui présente parallèlement castration, frustration et privation, l'objet de la privation est symbolique. Le réel, en effet, est ce qu'il est.
    Pour qu'un objet puisse y manquer, il faut qu'il soit déterminé symboliquement comme devant y être présent. Ainsi un livre ne manque dans une bibliothèque qu'en tant que sa place y est prévue, déterminée par exemple par un fichier.
    La privation peut être conçue comme un des temps de l'oedipe. Si la mère semble d'abord s'approprier l'enfant dans ce qu'on présente comme relation fusionnelle, il faut qu'elle en soit privée pour que celui-ci puisse accéder à son propre désir.
    Cette privation est attribuée au père - un père réel qui ne se confond ni avec le père réel, ni avec le père symbolique (ou nom-du-Père) : elle relève du père imaginaire.
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processus primaire, processus secondaire
    Modes de fonctionnement de l'appareil psychique caractérisant respectivement le système inconscient et le système préconscient-conscient.

    S. Freud a désigné comme "processus primaire" un mode de fonctionnement caractérisé sur le plan économique par le libre écoulement de l'énergie et par le libre glissement du sens. L'inconscient est par excellence le lieu de ce processus, dont les mécanismes spécifiques sont le déplacement et la condensation comme modes de passage d'une représentation à une autre. A l'inverse, les processus secondaire se caractérisent sur le plan économique par des liaisons et un contrôle de l'écoulement énergétique soumis au principe de réalité. C'est le système préconscient-conscient qui est le lieu de ces processus secondaires, qui sont le véritable support de la pensée logique et de l'action contrôlée. A l'opposé, les processus primaires correspondent à une pensée libre imaginative, où le mouvement des signifiants ne subit pas le poids des concepts, comme c'est justement le cas dans le rêve.
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projection
    Opération par laquelle un sujet situe dans le monde extérieur, mais sans les identifier comme tels, des pensées, des affects, des conceptions, des désirs, etc., croyant de ce fait à leur existence extérieure, objective, comme un aspect du monde.

    Dans un sens plus étroit, la projection constitue une opération par laquelle un sujet rejette dans le dehors et localise dans l'autre personne une pulsion qu'il ne peut pas accepter pour sa personne, ce qui lui permet de la méconnaître en lui-même. La projection, à la différence de l'introjection, est une opération essentiellement imaginaire.
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la Société psychanalytique du mercredi
    C'est à Vienne que commencèrent à se réunir, à partir de 1902, les premiers disciples de S. Freud. Il s'agit au début d'un tout petit groupe. Deux médecins qui avaient eu l'occasion d'entendre des conférences du Freud, M. Kahan et R. Reitler, un autre qui avait été traité par Freud pour une affection névrotique, W. Stekel, A. Adler enfant constituèrent avec Freud le premier noyau. Ce fut "la Société psychologique du mercredi", elle se réunissait dans le salon d'attente de Freud.
    En 1906, la première réunion de l'année rassemble 17 personnes. En 1910, le groupe atteint un nombre trop important pour continuer à se réunir chez Freud. Il a pris entre-temps, en 1908, le nom de "Société psychanalytique de Vienne".
    Les comptes rendus détaillés des réunions, qui depuis 1906 étaient établis par O. Rank, ont été conservés (les premiers Psychanalystes. Minutes de la Société psychanalytique de Vienne, Gallimard). Ils nous montrent bien la composition, le travail, le fonctionnement de ce petit groupe. Durant les premières années, c'est Freud qui pouvait faire bénéficier le groupe de son expérience de la psychanalyse. Mais les autres sont loin d'être seulement réceptifs. On les voit s'intéresser à tout, analyser les ouvrages, on les voit discuter franchement, sans se ménager les uns les autres. On les voit parfois évoquer leur propre vie, comme lorsque Urbantschitsch décrit son existence sexuelle jusqu'à son mariage.

Quelques repères dans l'histoire des institutions psychanalytiques
    Les concepts freudiens n'ont pas tous été acceptés en bloc par ceux qui se considèrent comme appartenant au mouvement psychanalytique. L'histoire de celui-ci est en effet émaillée, et cela dès l'origine, de scissions sur des questions théoriques. Dès 1902 se réunit à Vienne, le mercredi, au domicile de S. Freud, un groupe de médecins pour y étudier la psychanalyse, groupe auquel se joindront rapidement A. Adler, S. Ferenczi, O. Rank et W. Stekel. E. Bleuler, psychiatre suisse de renom, puis son assistant C. G. Jung témoignent bientôt de l'intérêt pour les découvertes freudiennes. Jung participe au premier congrès de psychanalyse à Salzbourg en 1908 et accompagne Freud dans son voyage aux Etats-Unis (1908); en 1910, lors du deuxième congrès de psychanalyse, à Nuremberg, l'International Psycholanalytical Association (IPA) est fondée, "afin, écrit Freud, de prévenir les abus qui pourraient se commettre au nom de la psychanalyse, une fois qu'elle serait devenue populaire". Quelques exclusions sont prononcées par Freud lui-même : envers Adler (1911) et Jung (1913) d'une part ; envers Rank (1924) d'autre part. Pour les premiers, le différend porte sur le rôle de la sexualité comme référent primordial de la causalité en psychanalyse ; en ce qui concerne Rank, ce sont des questions pratiques, liées à la théorie de la régression et du traumatisme. Les disciples les plus fidèles de Freud sont K. Abraham, qui fonde à Berlin le premier institut de psychanalyse, et E. Jones, à Londres. Vienne, ville de Freud, demeure au centre du mouvement - auquel W Reich se joint à partir de 1920 - jusqu'à ce que le nazisme contraigne une grande partie des psychanalyste à émigrer, principalement vers les Etats-Unis. C'est dans ce pays, auquel on dit que Freud croyait apporter la peste, que la psychanalyse se laissera le plus aisément apprivoiser ; elle deviendra par exemple, avec H. Hartmann, une sorte de  psychologie adaptative. Dans les pays socialistes, malgré une implantation dans les débuts de la révolution socialiste (Ferenczi, à Budapest en 1919, notamment), elle est bientôt totalement exclue comme science bourgeoise et réactionnaire ; cette situation demeure inchangée jusque dans les années 1990, où, de souterraine, clandestine, la psychanalyse fait quelques apparitions dans le monde des écrivains et chez une certaines intelligentsia.

    La Grande-Bretagne, elle connaît un regain théorique important : avec Melanie Klein, qui s'oppose à Anna Freud sur l'analyse des enfants, un pas essentiel est fait dans la théorie des stades préoedipiens ; les travaux de D. W. Winnicott, W. Bion et D. Meltzer s'inscrivent dans la dimension dégagée par Klein, permettant notamment l'abord des psychoses.
    En France, il faudra attendre 1923 pour que les ouvrages de Freud soient traduits et 1926 pour que soit fondée la Société psychanalytique de Paris par Marie Bonaparte, Eugénie Sokolnicka, A. Hesnard, RK Allendy, A. Borel, R. Laforgue, R. Loewenstein, G. Parcheminey et E. Pichon. Cette société a pour but de grouper tous les médecins de langue française en état de pratiquer la méthode thérapeutique freudienne et de donner aux médecins désireux de devenir psychanalystes l'occasion de subir la psychanalyse didactique indispensable pour l'exercice de la méthode. La société est reconnue par l'IPA. J. Lacan est reçu membre adhérent en novembre 1934. Il expose sa première étude sur le stade du miroir au Congrès international de psychanalyse à Marienbad en 1936. La première scission du mouvement psychanalytique français se produit en 1953 à propos de ce que l'on appelle la "question de l'Institut". Depuis 1933, un Institut de psychanalyse existe au sein de la Société psychanalytique de Paris. Après la guerre, S. Nacht, entouré de S. Lebovici et de M. Bénassy, met au point un projet de séparation de l'Institut de psychanalyse (ayant pour fonction l'enseignement et la formation des future analystes) de la Société psychanalytique de Paris, ainsi que la mise en place d'une réglementation de la formation des candidats analystes. Les oppositions à cette mise en place se cristallisent autour de Lacan, qui fonde la Société française de psychanalyse (S.F.P.), dont les membres, du fait de leur départ de la Société psychanalytique de Paris, ne sont plus reconnus par l'IPA. C'est aussi  partir de cette époque que l'enseignement de Lacan, qui insiste notamment sur la place de la parole et du langage dans la psychanalyse, devait prendre une importance de premier plan.
    En 1963, une nouvelle scission, dite "de l'Internationale", se fait jour au sein de la Société française de psychanalyse : un groupe, composé surtout d'universitaires, souhaite la reconnaissance de l'IPA, celle-ci dictant la condition sine qua non qu'elle met au renouvellement de sa reconnaissance : le règlement de la façon dont Lacan conduit ses analyses didactiques. Le retournement de nombreux membres se manisfeste par rapport à 1953. La S.F.P. est dissoute. Le 21 juin 1964, Lacan fonde l'Ecole freudienne de Par (E.F.P) avec P. Aulagnier, J. Clavreul, S. Leclaire, F. Perrier, G. Rosolato et J.-P. Valabrega. Un autre groupe se forme : l'Association psychanalytique de France, qui demande et obtient son affilition à l'IPA. Une autre scission se produit en mars 1969, concernant l'analyse didactique, un groupe, autour de P. Aulagnier, quittant l'E.F.P. pour former le Quatrième groupe. En 1980, Lacan dissout l'Ecole freudienne de Paris. Il faudra sans doute quelque temps encore pour apprécier correctement ce qui a été en jeu dans cette dissolution ainsi que dans la constitution, qui s'ensuivit, de plusieurs groupe se référent à son enseignement.

Psychanalytique (technique)
    Méthode originale inventée par S. Freud pour faciliter la verbalisation de ce qui est pour le sujet inaccessible parce que refoulé.

    La découverte freudienne suppose l'existence d'un psychisme inconscient qui nous détermine à notre insu, inconscient qui n'est pas une simple absence de conscience mais l'effet structurel d'un refoulement. Et elle établit que nombre de difficultés propres au sujet, nombre de symptômes ne peuvent disparaître que si le refoulement est au moins partiellement levé, si le sujet a accès à ce qui est normalement incaccessible. Il y a dès lors un paradoxe qui semble difficilement surmontable. Comment le sujet peut-il prendre conscience de ce qui est, par définition, l'inconscient de lui-même ?

Libre association et attention flottante
    La première technique de Freud, où il faut d'ailleurs plutôt voir une démarche préanalytique, fait la part belle à l'hypnose, déjà utilisée par J. Breuer dans le traitement de Bertha Pappenheim, désignée dans les "Etudes sur l'hystérie" sous le pseudonyme d'Anna O. Mais Freud n'était pas à l'aise dans une position d'hypnotiseur, trop aléatoire et qui rencontrait souvent l'opposition des patients. L'abandon de l'hypnose à quoi il dut se résoudre, accentua le paradoxe inclus dans le projet originel : comment accéder à l'inaccessible en se privant d'un moyen apparemment approprié au but recherché (au moins pas la ressemblance supposée entre l'état que produit l'hypnose et la partie du psychisme qui se trouve inaccessible)?
    Ce furent les hystériques, les spirituelles malades qui constituaient la première clientèle de Freud, qui suggérèrent la solution. Anna O, déjà, avait fait valoir que l'essentiel de la méthode employée par Breuer tenait dans une verbalisation : talking cure, disait-elle, cure par la parole, ou encore chimney sweeping, ramonage de cheminée. Breuer donna à cette méthode le nom plus noble de catharsis (-> méthode cathartique). Ce fut une autre patiente, Emmy von N. sans doute, dont Freud nous parle dans les "Etudes sur l'hystérie", qui incita Freud à faire confiance aux lois qui régissent cette parole : lorsque les obstacles ordinaires, souci de décence, modes de pensées contraints par une "rationalité" trop étroite, n'empêchent pas le fonctionnement de la libre association, d'autres pensées se présentent, qui vont peu à peu se relier, prendre sens et donner idée des contenus conscients qu'elles représentent. Mais il faut, pour en permettre l'émergence, inciter le sujet à respecter ce qui devait apparaître comme la règle fondamentale de la psychanalyse, à dire tout ce qui se présente à son esprit, au moment où cela se présente, même si ça lui paraît sans importance..

L'analyse des résistances et sa critique lacanienne
    Freud a reconnu dès le début que le refoulement a des effets dans la cure elle-même. Lorsque l'analyse s'approche trop près du noyau pathogène, du conflit inconscient fondamental, le discours du patient devient plus difficile ou même s'interrompt. Et le plus souvent, au moment où il ne peut plus affronter sa propre vérité, il transpose ses difficultés au niveau de sa relation à son analyste, répétant dans le transfert ce qu'il ne peut verbaliser dans son discours.
    Si la lecture des textes de Freud permet bien de poser, malgré quelques ambiguïtés, l'origine de la résistance au niveau des difficultés pour le sujet à aborder le réel de ses conflits inconscients, il n'en fut pas de même pour les analyste qui le suivirent. Insistant sur ce qui se manisfeste au niveau du transfert, ils firent de la resistance une difficulté dans la relation de personne à personne, de moi à moi et surtout, ils codifièrent une technique qui visait pour l'essentiel à l'analyser sur ce plan. W. Reich, par exemple, qui dirigea le séminaire technique de Vienne durant plusieurs années, exigeait qu'on analyse les résistances avant d'analyser le "contenu" des conflits constitutifs de la problématique du patient. Si l'analyste ne pouvait vaincre l'agressivité du patient, agressivité dirigée contre celui qui tentait de l'amener à reconnaître ses pulsions refoulées, il échouerait inévitablement. Une interprétation donnée avant d'avoir reconnu et vaincu toutes les résistances était inutile. L'analyste ne ferait, en la proposant, que perdre ses "munitions" à un moment inadéquat, risquant dès lors de se trouver à court d'arguments au moment où les choses sérieuses auraient à s'engager.
    A cette technique qui s'était après la Seconde Guerre mondiale tout à fait généralisée, J. Lacan devait s'opposer. Il montrait que toute analyse de la résistance au niveau de la relation imaginaire avec l'analyste, toute interprétation qui situait les problèmes au niveau de l'ego, du moi, ne pouvait qu'accroître les difficultés parce qu'on renforce toujours les réactions de préstance, de jalousie, d'amour ou de haine en les analysant sur ce plan. Lanalyste n'est pas une relation de moi à moi, elle suppose toujours un tiers, ne serait-ce que le discours lui-même.
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psychologie collective
    Etude rationnelle des rapports sociaux, en tant qu'ils sont déterminés par des facteurs psychiques.
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Psychonévrose
    Terme introduit par S. Freud pour désigner des affections où la médiation psychique est surdéterminée par les conflits infantiles et leurs modes de défense spécifiques (l'hystérie, la névrose obsessionnelle, la phobie et certaines psychoses, dont la paranoïa).
    Le terme n'est pas utilisé depuis la distinction entre névrose et psychose.
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psychose
    Processus morbide qui se développe au lieu et à la place d'une symbolisation non réalisée.

    Si Freud reste le chef de file incontestable et incontournable des avancées théoriques en matière de psychose, il a été diversement suivi dans les développements théoriques ultérieurs de ces autres chefs de file que sont devenus Lacan, M. Klein et, avec elle, D. W. Winnicott.

    La conception de Freud
    Freud, comme Kraeplin, à cette époque, voyait un lien entre paranoïa et catatonie (schizophrénie de E. Bleuler, leur élève commun) mais, contrairement à celui-ci, n'acceptait pas l'organogenèse qui leur était supposée. Il s'est donc efforcé à partir de sa propre théorie de la libido de mettre en évidence le fondement sexuel de toute psychose donnant la clef des différents types de délire dans une magistrale étude linguistique.
    C'est dans l'analyse des "Mémoires d'un névropathe", publiées en 1903 par le président de la cour d'appel de Saxe, le docteur en droit P.-D. Schreber, qu'il a trouvé les fondements de sa théorie des psychoses (1911), alors qu'il venait d'explorer la libido infantile (1907-1910) et juste avant d'élaborer sa conception du narcissisme (1914).
    La psychose du président Schreber se déclencha lorsqu'il fut nommé président de la cour d'appel. De sa vie, il a été fait mention d'un véritable terrorisme pédagogique exercé par son père, qui était médecin (M. Mannoni, Education impossible, 1973). Ce père est l'auteur d'un traité d'éducation où une part majeure est faite au dressage avec le concours d'une "gymnastique thérapeutique" dont le but était d'éradiquer tout ce qu'il y a de mal chez l'enfant et de réprimer tout ce qui pouvait êtr de l'ordre du désir. Il eu un frère qui se suicida à l'âge de 38 ans. Sa vie conjugale, heureuse, fut ternie par l'absence d'enfant au foyer. Ces quelques éléments présentent un très grand intérêt dans la logique de son processus morbide.
    La maladie de Schreber débute en 1893 par quelques rêves où des symptômes, éprouvés 9 ans auparavant (hypocondrie grave, a-t-on dit), se répètent et où s'impose l'idée subite et saugrenue "qu'il serait beau d'être une femme subissant l'accouplement". Les malaises physiques sont interprétés comme des persécutions exercées par le docteur Flechsig, accusé d'assassinat d'âme, celui-là même qui l'avait soigné et guéri antérieurement. Le président Schreber restera en maison de santé jusqu'en 1902 et le jugement qui lui rendit la liberté, rapporte Freud, contient le résumé de son système délirant dans le passage suivant : "Il se considèrait comme appelé à faire le salut du monde et à lui rendre la félicité perdue mais il ne le pourrait qu'après avoir été transformé en femme." Schreber estimait qu'au prix de son émasculation il avait un rôle rédempteur à jouer en devenant la femme de Dieu et en procréant un monde schrébérien. Car ce Dieu, substitut du docteur Flechsig, n'était entouré que de cadavre.
    Freud, remarquant que le persécuteur désigné, le docteur Flechsig, avait été tout d'abord objet d'amour de Schreber (et de sa femme même, qui, en signe de reconnaissance, avait gardé des années sa photo sur son bureau), émet l'hypothèse d'une poussée de libido homosexuelle comme point de départ de toute la maladie. Il s'appuie sur le fait que Flechsig a été pour le patient un substitut de ses objets d'amour infantiles, à savoir le père et le frère, tous deux décédés, au moment de l'explosion du délire, "le fond même du fantasme de désir devient le contenu de la persécution" écrit Freud.
    Les avancées théoriques de Freud sur la libido infantile lui font porter le point faible des paranoïaques sur la fixation au stade de l'autoérotisme, du narcissisme et de l'homosexualité, étape obligée de toute construction libidinale où l'enfant prend pour objet d'amour le détenteur d'organes génitaux semblables aux siens, car il s'est d'abord aimé lui-même avec ses propres organes génitaux.
    Freud ajoute qu'il en est exactement de même dans la schizophrénie : les psychosés ont une libido essentiellement tournée sur le corps propre.
    La libido, d'une façon générale, et sublimée dans les rapports sociaux mais elle est d'un exercice périlleux pour le psychosé qui, chez tout autre quel qu'il soit, n'a affaire qu'à une duplication de lui-même qu'il méconnaît. Le génie de Freud a été de faire remarquer que, dans les différents délires qui se constituent, tout revenait à contredire une proposition unique "moi un homme, je l'aime lui un homme", les différentes formes cliniques des délires épuisant toutes les manières possibles de formuler cette contradiction.
    L'analyse linguistique qu'il en fait montre trois façon de contredire la proposition : contradiction du sujet, du verbe et de l'objet. Le délire de persécution opérera un renversement du verbe : "je ne l'aime pas, il me hait, je le hais parce qu'il me persécute"; l'érotomanique refusera l'objet : "ce n'est pas lui que j'aime, c'est elle que j'aime", qui se transformera en un "c'est elle que j'aime parce qu'elle m'aime"; enfin, le jaloux délirant ne reconnaîtra pas le sujet et transformera la proposition en "ce n'est pas moi qui aime l'homme, c'est elle qui l'aime ; c'est n'est pas moi qui aime les femmes, c'est lui qui les aime".
    La proposition, ajoute Freud, peut même être rejetée en bloc : "je n'aime personne, je n'aime que moi", et il s'agit là du délire de grandeur.
    Le problème théorique à résoudre pour Freud est alors de mettre au jour les liens entre projection et refoulement puisque, dans l'économie libidinale du psychosé, une perception interne est réprimée et, en ses lieu et place, parvient une perception venue de l'extérieur.
    Il se pose ainsi la question d'un mécanisme qui serait propre à la psychose. S'appuyant sur la conviction de Schreber d'une imminence de la fin du monde, conviction rencontrée très souvent dans la paranoïa, Freud estime que le refoulement consisterait en un retrait des investissements libidinaux portés sur les personnes ou objets auparavant aimés et que la production morbide délirante serait une tentative de reconstruction de ces mêmes investissements, sorte de tentative de guérison; alors, il fait cette remarque extrêmement importante que ce qui a été aboli du dedant revient du dehors ; mais, en ajoutant que le détachement de la libido doit être le mécanisme essentiel et régulier de tout refoulement, il laisse en suspens le problème même du détachement de la libido.

    Les perspectives de Lacan
    Lacan, dans le droit fil de la démarche freudienne, reprendra ses vues sur le narcissisme de 1914 et la question de la forclusion pour construire sa théorie de l'échec de la métophore paternelle, à la base de tout procès psychotique. Le narcissisme n'est pas seulement la libido investie sur le corps propre, mais c'est une relation imaginaire centrale dans les rapports interhumains : on s'aime dans l'autre et c'est là que se fait toute identification érotique et que se joue toute tension agressive (Lacan, le Séminaire III, 1955-56, "les Psychoses"; 1981).
    La constitution du sujet humain est inhérente à la relation à sa propre image ; c'est ce que Lacan a conceptualisé par le stade du miroir, étape où l'enfant s'identitfie à sa propre image. Cette image est son moi pour peu qu'un tiers le reconnaisse comme tel. Ainsi, d'une part, elle lui permet de différencier sa propre image de celle d'autrui ; elle lui évite d'autre part la lutte érotique ou agressive que provoque la collusion non médiatisée d'un autre à un autre, où le seul choix possible est "lui ou moi". Dans cette ambiguïté essentielle où peut être le sujet, la fonction du tiers est donc de réguler cette instabilité fondamentale de tout équilibre imaginaire à l'autre. Ce tiers symbolique est ce que Lacan appelle le "Nom-du-Père" et c'est pourquoi la résolution du complexe d'OEdipe a une fonction normative.
    Pour comprendre ce mécanisme, il faut se référer au jeu du désir inhérent au psychisme humain d'emblée pris dans un monde symbolique du fait que le langage lui préexiste. Le jeu du désir pris dans les filets du langage consistera à l'acceptation par l'enfant du fait du symbolique, qui l'écartera à jamais des signifiants primordiaux de la mère (refoulement originaire), ce qui permettra au moment de l'oedipe la métaphore paternelle : la substitution aux signifiants liés au désir d'être le phallus maternel des signifiants de la loi et de l'ordre symbolique (l'Autre). La pérennisation du désir se portant sur tout objet autre que la mère se trouvera assurée. S'il y a échec du refoulement originaire, il y a forclusion, rejet du symbolique, qui alors resurgira dans le réel, dit Lacan, au moment où le sujet sera confronté au désir de l'Autre dans une relation symbolique. L'Autre aussi bien que l'autre, le semblable, sera alors rejeté dans le jeu spéculaire.
    Lacan indique que, dans tout le délire de Schreber, on repère la dissolution de l'autre en tant qu'identité dans une subjectivité spéculaire en dissolution. C'est ainsi que l'homosexualité de Schreber n'a rien à voir avec une perversion mais s'inscrit dans le procès même de la psychose. le persécuteur n'est en effet qu'une simple image d'un autre avec qui la seule relation possible est l'agressivité ou l'érotisme, sans médiation du symbolique. Ce qui n'a pas été symbolisé chez Schreber est le signifiant père, la relation à la femme dans le symbole de la procréation, et l'échec de la métaphore paternelle pourrait bien être le fait que le père réel de Schreber se serait instauré en figure de la loi du désir et non en représentant de cette même loi, bloquant ainsi toute substitution signifiante.
    Dans le champ de la névrose, il n'y a jamais perte de la relation symbolique. Tout symptôme est une parole qui s'articule ; le rapport à la réalité n'est pas obturé par une forclusion mais par une dénégation.

    La conception de Melanie Klein et de Donald Woods Winnicott
    Tout autre est la position de Melanie Klein. Elle donne un rôle essentiel à la mère comme pourvoyeuse de bons et de mauvais objet et, comme telle, génératrice de tous le maux comme de tous les bienfaits ; dans les différentes étapes qui mènent à la résolution du conflit oedipien, la notion de clivage est fondamentale dans le système de concepts qu'elle a forgé pour tout le développement libidinal ; le clivage consiste en une oscillation perpétuelle entre agressivité et angoisse où les objets de désir jouent à la fois à l'extérieur et à l'intérieur du corps ; Lacan, admiratif de ses expériences, la dénommait "tripière de génie" tout en n'adhérant pas à sa façon de théoriser.
    Pour Klein, dans le jeu perpétuel d'introjection de bons et de mauvais objets à l'intérieur du corps sous-tendu par l'agressivité et l'angoisse inhérentes à la libido, qu'elle désigne de position schizoparanoïde, la psychose est la fuite vers le bon objet intérieur et la névrose la fuite vers le bon objet extérieur.
    Se démarquant légèrement de Klein, Winnicott, faisant toujours la part aussi belle à la mère, dénonce le procès psychotique comme une maladie de la faillite de l'environnement ; le désinvestissement prématuré de la mère, ne permettant pas la substitution de bons objets, fixe l'enfant dans la position schizoparanoïde, d'où l'importance de l'objet transitionnel dans la conquête de l'indépendance du jeune enfant. Klein et Winnicott ont été à l'origine de tout le mouvement de l'antipsychiatrie (R. Laing et F. Cooper) et ont une large audience dans les pays anglo-saxons. L'influence de Lacan est prépondérante dans les pays francophones avec une large pénétration outre-Atlantique, notamment en Amérique latine.
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psychose maniaco-dépressive
    Psychose se manifestant soit par des accès de manie, soit par des accès de mélancolie, soit par les deux, avec ou sans intervalles d'apparente normalité.

    La mélancolie
    Rappelons seulement ici un trait clinique qui distingue la culpabilité du mélancolique de celle des autres états dépressifs, quelle que soit leur gravité : l'accusation portée contre lui-même prend ici le caractère d'un constat, plutôt que d'une plainte, qui ne le divise pas (ni doute, ni dialectique possible) ; qui ne porte jamais sur l'image de soi (Lacan, le Séminaire VIII, 1960-61, "le Transfert"). C'est une haine qui vise l'être même du sujet, démuni de toute possession, jusqu'à celle de son propre corps (syndrome de Cotard) et dénoncé comme la cause même de cette ruine, sans la modestie qu'impliquerait une telle indignité.

    La manie : clinique
    Le symptôme pathognomonique de la crise maniaque est la "fuite des idées". L'expression verbale ou écrite est accélérée, voire brillante, mais semble avoir perdu toute résistance et tout orientation, comme si la pensée n'était organisée que par de pures assonances ou connexions littérales (jeux de mots, coq-à-l'âne). Un autre symptôme remarquable est l'extrême capacité du maniaque à être distrait, sa réponse immédiate à toute sollicitation, comme si son fonctionnement mental perdait tout caracètre privé. En contraste avec la richesse des pensées, les actions sont inadéquates et stériles : dépenses ruineuses, entreprises excessivement audacieuses témoignant de la perte du sentiment de l'impossible. IL existe une tendance à faire participer les semblables à cette fête contraignante avec abolition du sentiment de l'atérité comme la différence des sexes. La physiologie est modifiée : absence de fatigue malgré la perte de sommeil, l'agitation, etc. L'humeur, incontestablement exaltée, n'est pas forcément bonne et se montre précaire, tout état maniaque est potentiellement un état mixte (maniaque et mélancolique).

    La manie : étude psychanalytique
    La manie n'a d'abord été abordée par la psychanalyse (K. Abraham, 1911; Freud 1915) qu'en seconde intention et dans son rapport à la mélancolie : l'une et l'autre rélèveraient d'"un même complexe auquel le moi a succombé dans la mélancolie alors que dans la manie il l'a maîtrisé ou écarté" (Freud, Deuil et mélancolie, 1915). Dans Psychologie des foules et analyse du moi (1921), Freud affirme : "Il n'est pas douteux que chez le maniaque moi et idéal du moi ont conflué." Enfin dans " le Moi et le ça 1923, il a pu incidemment, considérer la manie comme une défense contre la mélancolie. Cette notion de défense manique a été reprise et étendue à d'autres champs par M. Klein (Contribution à l'étude de la psychogenèse, 1934) et D.W. Winnicott (la Défense maniaque, 1935) notamment. elle fait toutefois difficulté, dans la mnie, par la prise qu'elle suppose du sujet sur les mécanismes de sa psychose.

    Spécificité de la psychose maniaco-dépressive
    Comment situer la psychose maniaco-dépressive ? Freud propose pour elle en 1924 (Névrose et psychose) un cadre particulier, les nécroses narcissiques, où le conflit pathogène surgit entre le moi et le surmoi, alors qu'il se situe entre le moi et le ça dans la névrose, entre le moi et le monde extérieur dans la psychose. La même année, dans son "Esquisse d'une histoire du développement de la libido", K. Abraham s'attache à la distinguer de la névrose obsessionnelle. Alors que l'obessionnel lutterait constamment contre le meurtre oedipien non accompli, "dans la mélancolie et la manie, le crime est pertétré par intervalles sur le plan psychique, tout comme il est réalisé de façon rituelle au cours de fêtes totémiques des primitifs". dans sa perspective propre de l'évolution du sujet, M. Klein insiste sur l'accès du mélancolique à une relation à un objet complet (qui correspondrait au moi lacanienà dont la perte pourra être ressentie comme une perte totale. Pour Ch. Melman (Séminaire, 1986-87), l'existence possible de deux tableaux cliniques aussi contrastés traduit "une dissociation spécifique de l'économie du désir de celle de la jouissance". Il cite l'exemple de ceux qui, par suite de l'immigration et du changement de langue de leurs parents, ont un inconscient "fait" d'une langue qui, pour les parents, était étrangère. Or dans cette langue d'adoption, le désir n'est pas lié à un interdit symbolique, inscirt dans l'inconscient, mais seulement à une distance imaginaire du sujet, tant à son idéal qu'à son objet, susceptible donc de s'abolir pour accomplir le "crime". Ce cas exemplaire montre comment un psychose maniaco-dépressive pourrait apparaître alors même que les parents sont entre eux dans un rapport correct à la loi symbolique. Cela rendrait compte de la conservation dans cette psychose d'un certain rapport au Nom-du-Père, comme en témoigne l'absence généralement constatée d'allucinations, de constructions délirantes ou de troubles spécifiquement psychotiques du langage.
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pulsion
    Dans la théorie analytique, énergie fondamentale du sujet, force nécessaire à son fonctionnement, qui s'exerce au plus profond de lui.

    La conception freudienne
    C'est en 1905, dans "Trois Essais sur la théorie de la sexualité", que Freud utilise pour la première fois le terme de pulsion et qu'il en fait, du même coup, un concept déterminant. Mais, dès les années 1890, comme en témoigne sa correspondance avec W. Fliess et "l'Esquisse d'une psychologie scientifique", il est très préoccupé par ce qui donne à l'être humain la force de vivre et aussi par ce qui donne aux symptômes névrotiques la force de se constituer. Déjà il soupçonne que ces forces sont les même et que c'est leur détournement qui, dans certains cas provoque les symptômes. A cette époque, il essaie de distinguer parmi ces forces deux groupes, qu'il appelle "énergie sexuelle somatique" et "énergie sexuelle psychique", et il introduit même la notion de libido. Puis son intérêt le porte davantage vers les théories du fantasme et du refoulement et il découvre les formations de l'inconscient. En 1905, donc, ayant dûment exploré le "comment" de la névrose, il revient à la question fondamentale qu'il se posait auparavant, celle du "pourquoi", celle des énergies en oeuvre dans les processus névrotiques.
    Le problème est que justement les mécanismes de formation des symptômes névrotiques dissimulent la nature des forces sur lesquelles il s'exercent. Aussi, pour accéder à l'intelligence de ces dernières, Freud est-il obligé d'emprunter un chemin détourné. Il est deux domaines, pense-il, qui permette d'observer "à ciel ouvert" c'est-à-dire suffisamment libre de refoulement - ce jeu des pulsions qui constitue le moteur des névroses et le moteur du sujet humain. Ces deux domaines sont respectivement celui des perversions - où le refoulement n'est guère efficace - et celui des enfants, ces "pervers polymorphes" - avant que le refoulement n'y ait trop opéré.
    L'étude des perversions va donc lui fournir le biais pour cerner les caractéristiques et le modes de fonctionnement des pulsions. Mais, incidemment, cela lui donne aussi les arguments à l'appui de la thèse sur la sexualité infantile - qui sera jugée parfaitement inaccessible à l'époque - et les moyens d'élaborer une théorie générale de la sexualité.
    Dans les "'Trois Essais sur la théorie de la sexualité", Freud précise d'abord la nature de la pulsion sexuelle - la libido : il lui apparaît qu'il n'y a plus lieu de la partager entre les versants "somatiques" et "psychique". Au contraire, il lui semble qu'elle se répartit sur ces deux versants et entre eux et que c'est cette position froncière qui la définit au mieux, comme finalement toute pulsion. "La pulsion, écrit-il, est le représentant psychique d'une source contiune d'excitation provenant de l'intérieur de l'organisme." Il montre ensuite que, sur le plan sexuel, n'importe quel point du corps peut aussi bien être à l'origine d'une pulsion qu'à son aboutissement, comme en témoignent à l'occasion les "perversion d'objet". En d'autres termes, n'importe quel lieu du corps peut être ou devenir zone érogène, du moment qu'une pulsion l'investit. Cette constatation a plusieurs implications : en premier lieu, celle de la multiplicité des pulsions, puisque leurs origines et leurs buts sont nombreux ; en deuxièmes lieu, celle de leur difficulté à tendre vers une fin commune, c'est-à-dire de leur difficulté, voire de leur quasi-impossibilité, à s'unifier, puisqu'elles peuvent se contenter de buts partiels et fort différents les uns des autres ; en troisièrment lieu, celle de la précarité de leurs devenirs, puisque ceux-ci se montrent finalement aussi variés et mouvants que les buts eux-mêmes.

    Enfin, il propose de bien distinguer le groupe des pulsions sexuelles (qui, dans certaines conditions permettent à l'être humain de se reproduire) d'un autre groupe de pulsions, qui, lui, a plutôt pour fonction de maintenir en vie l'individu. Ce second groupe englobe les pulsions qui poussent le sujet à se nourrir, à se défendre, etc., c'est-à-dire les pulsions d'autoconservation, que Freud ne tarde pas à dénommer plutôt "pulsions du moi" pour insister non pas tant sur leur fonction (la survie) que sur l'objet de cette fonction : l'individu lui-même.
    Freud définit ainsi les pulsions comme étant à l'interface du somatique et du psychique, souligne leur diversité (et donc leur pluralité), indique la fréquence de leur inachèvement (et donc leur caractère partiel, leur manque d'unification et l'incertitude de leurs destins) et postule deux types principaux et opposés de pulsions : les pulsions sexuelles et les pulsions du moi.

    Quelques années après, en 1914, Freud met en avant une nouvelle notion, celle du narcissisme - l'amour que le sujet porte à un objet très particulier : lui-même. Ce nouveau concept lui fournit une clé supplémentaire pour aborder une partie du champ des psychoses - des psychonévroses narcissiques, comme il les appelle à l'époque - mais l'oblige aussi à reconsidérer cette opposition qu'il tenait pour fondamentale entre pulsions sexuelles et pulsions du moi. En effet, à partir du moment où il admet qu'il existe un véritalbe rapport d'amour entre le sujet et son propre moi, il lui faut aussi admettre qu'intervient une libidinalisation de l'ensemble des fonctions du moi - que celles-ci ne répondent pas simplement à la logique de l'autoconservation mais son également érogénéisées -, que la préservation du moi ne rentre pas uniquement dans le registre du besoin mais aussi, et finalement surtout, dans celui du désir. Dès lors, donc, que le moi est aussi objet sexuel, il en découle que la distinction entre pulsions sexuelles et pulsions du moi n'a plus lieu d'être. Freud la remplace alors par celle de pulsion du moi et pulsion d'objet. Très provisoirement car il lui apparaît assez vite que cette deuxième opposition n'est pas plus tenable : c'est la théorie du narcissisme elle-même qui la dément puisqu'elle montre précisément que le moi est un véritable objet pour le sujet. Moi et objet son donc, en fait, à mettre sur le même plan, en tout cas pour ce qui concerne les pulsions.
    Une autre étape, presque simultanée, l'amène à parfaitement préciser les caractéristiques des pulsions. Elle intervient avec la "Métapsychologie" 1917, recueil intial de douze articles qui ont pour objet de livrer les fondements de la psychanalyse. L'article princeps - l'un des cinq à ne pas avoir été détruit par Freud lui-même - est intitulé "les Pulsions et leurs sorts". la première partie, après un très bel avertissement épistémologique, définit la nature de la pulsion : une force constante, d'origine somatique, qui représente "comme une excitation" pour le psychique. Sont énoncées ensuite les caractéristiques de la pulsion : source, poussée, objet et but. La source, on vient de le répéter, est corporelle; elle procède de l'excitation d'un organe, qui peut être n'importe lequel. La poussée est l'expression de l'énergie pulsionnelle elle-même. le but est la satisfaction de la pulsion, autrement dit la possibilité pour l'organisme d'accéder à une décharge pulsionnelle, c'est-à-dire de ramener la tension à son point le plus bas et d'obtenir ainsi l'extinction (temporaire) de la pulsion. Quant à l'objet, c'est n'importe quoi qui permet la statisfaction pulsionnelle - qui permet au but d'être atteint. De tout cela, il ressort que les objet pulsionnels sont innombrables mais aussi, et surtout, que le but de la pulsion ne peut être atteint que de manière provisoire, que la satisfaction n'est jamais complète puisque la tension renaît très vite et que, en fin de compte, l'objet est toujours en partie inadéquat et sa fonction jamais définitivement remplie.
    Le caractère multiple et opposé les unes  aux autres des pulsions est aussi réaffirmé. mais Freud est alors beaucoup moins net sur la nature de cette opposition, qu'il juge d'ailleurs peu important de préciser. La distinction moi/objet qu'il prônait lui semble déjà beaucoup moins pertinente et, s'il se réfère encore à celle de pulsions du moi/pulsions sexuelles, c'est davantage pour montrer que les deux groupes ont finalement chacun pour rôle de garantir la survie de quelque chose et que c'est cette chose qui les spécifie : survie de l'individu pour le premier, survie de l'espèce pour le second. mais dès lors la pulsion sexuelle, qui témoigne d'une continuité du germen au-delà de l'individu, a une affinité essentielle avec la mort.
    La deuxième partie de l'article porte sur les vicissitudes des pulsions - leurs sort. Ce ne sont guère des sorts heureux ; et, d'ailleurs, ils ne doivent leur existence qu'au fait que les pulsions ne puissent atteindre leur but. Freud en dénombre cinq - qui sont cinq façons pour la pulsion d'organiser, en quelque sorte, le ratage de la satisfaction. La première est le processus le plus courant dans le champ des névroses, celui qui est responsable de la formation des symptômes : le refoulement. la deuxième, propre aux pulsions sexuelles, reste peut-être la plus mystérieuse : elle est aussi exemplaire de la distance qui peut séparer une origine pulsionnelle de son devenir dernier : c'est la "sublimation". Les trois autres - le "renversement dans le contraire, le retournement sur la personne propre" et le "passage de l'activité à la passivité" - sont en fait constitutives de la grammaire organisant le champ des perversions et plus particulièrement des bascules qui s'opèrent d'une position perverse à une autre. Enfin, pour être tout à fait exhaustif, il faudrait encore en ajouter deux autres, évoqués dans "Pour introduire le narcissisme" 1919, qui semblent plus spécifiques aux psychoses : "l'introversion et les régressions libidinales narcissiques".

    La conception lacanienne
    Lacan, en particulier dans le livre XI du séminaire "les Quatres Concepts fondamentaux de la psychanalyse" (1973), s'emploie à radicaliser ces conceptions. Le fait que les pulsions ne se présentent jamais que comme pulsions partielles lui paraît déterminant en ce qu'il introduit le lien nécessaire entre sexe et mort et en ce qu'il fonde une dynamique dont le sujet est le produit. Ce sujet est aux prises avec deux logiques volontiers antagonistes : celle qui le fait différent de tout autre vivant, et donc avant tout préoccupé de sa propre survie, et celle qui le veut un parmi les autres et donc au service, même s'il ne s'en rend pas compte, de son espèce. Par ailleurs, en revenant sur les caractéristiques des pulsions, Lacan va insister sur le fait que le propre de l'objet pulsionnel est de n'être jamais à la hauteur de l'attente. Ce caractère de l'objet a toutes sortes de conséquences : d'abord, de rendre le but pulsionnel impossible à réaliser directement, et cela pour des motifs non pas contingents mais structuraux ; ensuite, de situer la raison de la nature partielle de la pulsion dans cet inachèvement ; puis, aussi, de pouvoir décrire le trajet de la pulsion : en ratant son objet, celle-ci décrit en quelque sort une boucle autour de ce dernier, qui la ramène à son point d'origine et la dispose à réactiver sa source, c'est-à-dire la prépare à entamer alors un nouveau trajet quasi identique au premier ; enfin, de permettre de rajouter deux autres objets pulsionnels à la liste établie par Freud : "la voix et le regard".
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pulsion de vie - pulsion de mort
    Groupe de pulsions dont la combinaison et l'affrontement produisent la dynamique subjective elle-même.

    A partir de 1919, Freud remplace l'opposition pulsions sexuelles/pulsions du moi et celle de pulsions du moi/pulsions d'objet par l'opposition pulsions de vie/pulsions de mort, qu'il juge beaucoup plus fondamentale et qui, durant toute la fin de son oeuvre, lui paraîtra de plus en plus pertinente. La correspondance entre les premières oppositions pulsionnelles et celle-ci n'est pas toujours stricte ; mais on peut dire que les pulsions de vie regroupent une partie des pulsions sexuelles (celle qui permet la survie de l'espèce) et une partie des pulsions du moi (celle qui vise à la survie de l'individu). Par ailleurs, une face des pulsions sexuelles (celle qui met en péril l'individu parce qu'étant exclusivement au service de l'espèce), des pulsions du moi (celle qui menace l'espèce parce que privilégiant l'individu) et des pulsions d'objet (celle qui préside à la destruction de l'objet (celle qui préside à la destruction de l'objet en s'assurant de son incorporation au sein deu sujet), une face cachée, en fait, est à voir comme partie prenante de la pulsion de mort.
    Plus Freud avance dans son oeuvre et plus il considère la notion de pulsion de mort comme indispensable à la psychanalyse, jusqu'à en constituer quasiment le socle conceptuel. En particulier, il la juge être à la base du principe premier de fonctionnement de l'appareil psychique. Ce dernier repose sur la tâche - jamais achevée, toujours à recommencer - qui consiste à rabaisser l'excitation et, donc, la tension de l'organismme au degré le plus bas possible. A première vue, c'est la recherche de la satisfaction - le principe de plaisir - qui ramène le sujet, par la décharge pulsionnelle, à ce point d'étiage. Mais, plus fondamentalement, Freud y voit aussi l'expression de la pulsion de mort puisque ce retour au point de départ, au niveau minimum d'excitation, est en quelque sorte l'écho de la tendance qui pousse l'organisme à revenir à son origine, à son état premier de non-vie, c'est-à-dire à la mort.
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punition (besoin de)
    Comportement de certains sujets qui recherchent des situations pénibles et humiliantes et se complaisent en elles.
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