Winnicott (Donald Woods)
Pédiatre
et psychanalyste britannique (Plymouth
1896-Londres 1971).
Il a travaillé pendant une quarantaine d'années
à partir de 1923 au Paddigton Green Childrens Hospital comme
médecin pédiatre, commencé une analyse personnelle
dans les années 1930. Il devint en 1935
membre de la Société britannique de psychanalyse, dont
il fut président de 1956 à 1959 puis de 1965
à 1968.
Il a écrit "Though Pediatrics to Psycho-Analepsis"
(1957 ; trad. fr. avec adjonction d'articles ultérieurs,
1969, "De la pédiatrie à la psychanalyse",
"The Child and the Family" (1957 ; trad. fr., 1971, "l'Enfant
et sa famille"), "The Child and the Outside World" (1957
; trad. fr., 1972, "l'Enfant et le monde extérieur"),
"The Maturational Processes and the Facilitating Environnement"
(1965 ; trad. fr., 1975, "Jeu et réalité : l'espace
potentiel"), "Therapeutic Consultations in Child Psychiatry"
(1971 ; trad. fr., 1972, "la Consultation thérapeutique
et l'enfant") et "Fragment of an Analysis" (trad. fr.,
1975, "Fragment d'une analyse").
L'intérêt de
Winnicott pour la convulsion utilisée comme traitement (électrochocs),
qu'il aborde dans le "British Medicla Journal", est moins connu.
Il publia en 1947 une conférence qu'il avait faite devant la
section médicale de la British Psychological Society. Il
était très réticent, pour ainsi dire opposé,
à ces traitements. Ses objections étaient que, d'une part,
il n'accepterait pas de subir lui-même un tel traitement, que
ce dernier attire en psychiatrie des médecins n'ayant pas la
formation qui convient, qu'il nuit à l'esprit scientifique médical
et que l'on peut s'en servir dans le traitement de la dépression,
qui touche souvent des gens de grande valeur. Ses nombreuses interventions
dans le British Medical Journal, en 1943, 1944, 1945, et 1947, argumentèrent
sa position. Celle-ci était celle d'un psychanalyste voulant
apporter une contribution nouvelle à la position psychiatrique.
Dans l'étude de ce que la psychanalyse peut
apporter à la classification, il s'appuyait
beaucoup sur l'oeuvre de S. Freud : relation du patient à
la réalité, symptôme, étiologie. Ainsi, pour
lui, l'anamnèse dérive du matériel révélé
au cours de la psychothéraphie. Les troubles des psychonévroses,
au centre desquels se trouvent l'angoisse de castration et le complexe
d'OEdipe, s'inscrivent alors dans ce qu'il appelle chez Freud "l'hypothèse
structurale de la personnalité". Des
concepts comme ceux du moi, du ça et de la censure, du surmoi,
de qualité et de quantité des processus, l'idée
de régression à des points de fixation sont évoqués
par lui, de même que ce qu'il appelle l'organisation de défenses
d'un degré ou d'une nature pathologiques. Il parle aussi de l'idée
de dépendance, de faiblesse et de force du moi, des possibilités
de décrire les cas limites et les troubles du caractère.
Pour l'étude des psychoses, il se réfère
à S. Ferenczi d'abord, à M. Klein ensuite.
Son souci d'une adaptation particulière de
la technique psychanalytique apparaît alors. Le
moi du nourrisson, dépendant d'un soutien du moi, adaptation
fournie par la mère ou la figure maternelle, lui permet
de développer le processus intéressant de l'absorption
des éléments des soins maternels, ce qu'aussi, dans son
article sur la distorsion du moi en fonction du vrai et du faux self,
il étudiera comme la mère qui
est suffisamment bonne. L'idée intéressante
qu'il y développe, qu'il indique d'ailleurs comme étant
une partie très importante de sa théorie, est que le
vrai self ne devient que s'il est la conséquence d'une réussite
répétée des réponses de la mère,
soit au geste spontané du nourrisson, soit à son hallucination
sensorielle, ce qui peut se dire réalisation symbolique,
suivant l'expression qu'il indique comme étant celle de Mme Sechehaye.
Selon lui, le geste ou l'hallucination étant
rendus réels, la capacité d'utiliser un symbole
suit, en est la conséquence. Ainsi,
l'enfant peut jouir de sa capacité d'illusion ; il
a pu croire que la réalité extérieure se comportait
comme par magie et d'une manière qui ne heurtait pas son omnipotence,
à laquelle, de ce fait, il peut renoncer. Il
peut jouer et imaginer. C'est le premier cas : les fondements de la
formation symbolique se constituent. Si, entre
l'objet partiel maternel et le nourrisson, ce quelque chose,
quelque activité ou sensation, sépare
au lieu de lier, la formation symbolique
est bloquée. Ce second cas aboutit à un
tableau clinique qui présente une instabilité généralisée
et divers troubles, dont ceux de la nutrition ; un
faux self se met en place, qui se
soumet par nécessité aux exigences de l'environnement,
soumission et imitation en sont la spécialité.
Il se peut qu'une vie personnelle existe au travers de l'imitation,
que l'enfant joue un rôle, celui du vrai self, comme il le ferait
s'il avait existé. Ainsi, ce faux self
est une défense, défense à un défaut d'identification
de la mère avec son nourrisson. Le
vrai self est, selon lui, étroitement lié à
l'idée du processus primaire, il est simplement
primaire. Il dit aussi que le vrai self apparaît dès
qu'il existe une quelconque organisation mentale de l'individu et qu'il
n'est pas beaucoup plus que la somme de la vie sensori-motrice. Par
la suite, des ruptures dans l'existence de ce vrai self, des expérience
réactionnelles de faux self seront possibles ; également
pourront se présenter ce à quoi il donne de l'importance
chez l'enfant, les doutes quant au self. Le faux self amènera
aussi des possibilités de compromis dans la conduite sociale.
Ces compromis seront remis en question par l'adolescent. Cette notion
de faux self a des conséquences importantes dans la pratique
psychanalytique : analyse interminable car le travail se fait à
partir du faux self, et, lors du passage du contact avec le vrai self
du patient, la dépendance extrême qui amène l'entourage
à soigner ce patient met l'analyste en position de fonctionner
comme faux self. Si, par contre, le praticien comprend immédiatement
ce qui est nécessaire, il y a retrait, maintien du self, régression.
Le psychanalyste maintient et joue un rôle dans une relation où
le patient est régressé et dépendant. Plus le psychanalyste
accepte cette régression et y fait face, moins il est probable
que le patient ait recours à une maladie d'allure régressive.
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"Agression" est le terme employé par Winnicott pour l'étude
de ce que nous appelons agressivité. Quelque chose se passe
dans l'individu, qui n'entraîne pas obligatoirement des changements
de comportement, quelque chose du domaine d'une fonction partielle,
de l'expression primitive de la libido. Corps et idées s'enrichissent
et accomplissent l'idéation, la réalisation symbolique
dont il a déjà été question à propos
du self. Ainsi, il y a diverses étapes de l'agressivité,
à différents stades du développement : l'inquiétude,
ce qui la précède, la colère. Ces étapes
appartiennent au stade de la personnalité totale ; elle trouvent
leurs sources dans des moments très précoces de cruauté
d'avant l'intégration de la personnalité, où
la pulsion trouve sa satisfaction dans la destruction.
La racine de l'élément destructeur
de se trouve dans la pulsion libidinale primitive (le ça)
; cet élément est lié à la motricité.
Cependant, quelle que soit cette qualité
d'un environnement suffisamment bon, Winnicott remarque que les
éléments agressifs et les éléments libidinaux
ne sont pas nécessairement fusionnés.
D'où cette idée d'une agressivité qui précède
l'intégration du moi, intégration qui rend
possible la colère devant une frustration instinctuelle et
qui fait que l'expérience érotique est une expérience
vécue. La thèse de Winnicott
est alors que l'impulsivité et l'agressivité amènent
l'enfant à rechercher un objet externe.
Aussi a-t-il introduit la notion d'"objets
transitionnels", de phénomènes transitionnels
pour indiquer ce point de permière
possession d'un objet, à une place particulière, ni
au dehors ni dedant, à la limite du dehors et du
dedans, qu'il distingue clairement de l'objet interne de Melanie Klein
; tous ces sons, ces objet qui ne font pas partie du corps de l'enfant
et qu'il ne reconnaît pas pourtant comme faisant partie de la
réalité extérieure. Penser et fantasmer peuvent
se rattacher à ces expériences. L'origine de symbolisme
pourrait, selon Winnicott, se trouver sur ce chemin qui passe du subjectif
à l'objectif et que traduit l'objet transitionnel. Ces objets
et ces phénomènes appartiennent au domaine de l'illusion,
possibilité ultérieure des arts, du religieux, de la
vie imaginative, des créations. Il défend ces thèses
dans "Jeu et réalité".
C'est dire encore, comme il l'écrit dans
: "Communication et non-communication", que l'objet
est créé et non pas trouvé. Lorsque cet objet
se transforme, le subjectif est perçu objectivement. Mère
environnement, humaine, et mère objectale, chose, mettent en
évidence pour l'enfant l'expérience d'une inconstance
d'une part et d'une constance de l'autre. C'est-à-dire que
l'objet peut être capable de la satisfaire même s'il reconnaît
qu'il n'a pas réussi à le faire d'une façon satifsfaisante.
Lorsque s'effectue son développement, l'enfant
dispose alors de trois modes de communication : un qui
ne cessera jamais d'être silencieux, self
central qui ne communique pas, inaccessible au principe de
réalité, pour toujours silencieux ; un
explicite, indirect, l'emploi du langage
; un intermédiaire, qui du jeu
passe à la vie culturelle.
Enfin, autre contribution de Winnicott à
ce qu'est pour lui le développement de l'enfant au regard de
la psychanalyse, les catégories de
dépendance absolue, de dépendance relative et de voie
qui mène à l'indépendance. Ces catégories
reprennent les positions qui sont les siennes concernant l'évolution
du moi, du self, la position maternelle qu'il appelle préoccupation
maternelle primaire, le holding, la possibilité
pour l'enfant d'être un créateur potentiel du monde où
vie extérieure et vie intérieure peuvent prendre la
forme d'un échange continu.
Une de dernières contributions de Winnicott
fut : "Fear of Breakdown", la
crainte de l'effondrement ; il
y reprend sa thèse des premiers stades du développement
affectif ; holding, handling, présentation d'objet permettent
un développement qui va de l'intégration, de la résidence
de la collusion somatique à la relation d'objet.
L'angoisse, la détresse, la lutte, face à ce qui ne
permet pas à ce développement de se construire autrement
que comme une organisation défensive, suscitent cette crainte
d'un effondrement qui a déjà eu lieu, causé par
cette agonie originelle que le moi ne peut faire entrer dans sa propre
expérience du temps présent, qui n'a pas encore été
prouvé.
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