FRAGMENT
D’UNE ANALYSE D’HYSTERIE
(Dora)
I
L’ETAT MORBIDE
Elle portait à son père une tendresse particulière.
Une affection tuberculeuse de celui-ci détermina la famille
à élire domicile à B où l’affection
pulmonaire s’y améliora. Séjour qui se prolongea
pendant 10 ans.
… Ce fut un accès de confusion mentale, suivi de phénomènes
paralytiques. Je fis entreprendre un ttt antisyphilitique énergique
-> succès. C’est probablement du fait de cette heureuse
intervention que le père me présenta, 4 ans plus
tard, sa fille nettement névrosée.
J’avais fait la connaissance, à Vienne, d’une sœur aînée
du malade, chez laquelle se manifestait une forme grave de psychonévrose.
Après une vie conjugale malheureuse, elle mourut à
la suite d’une cachexie. Un frère aîné (du
père) était célibataire et hypocondriaque.
La jeune fille, devenue à l’âge de 18 ans ma cliente
considérait la tante comme son modèle. La mère
de Dora était apparemment « inintelligente »
et victime de la « psychose de la ménagère
» - à tel point que l’usage et la jouissance en
étaient devenus presque impossible.
Le rapport entre la mère et la fille était depuis
des années très peu affectueux.
Dora présentait dès l’âge de 8 ans des
troubles nerveux. Elle souffrait alors d’une gêne respiratoire
permanente. Des migraines et des accès de toux nerveuse
apparurent vers l’âge de 12 ans. La migraine disparut
à 16 ans. Les quintes de toux nerveuse, probablement
déclenchées par un catarrhe banal, persistaient
tout le temps… Une aphonie complète durant toute la première
moitié de la crise était le symptôme le
plus gênant.
Son père m’apprit que lui et sa famille avaient noué,
à B…, une amitié intime avec un couple. Mme K…
l’aurait soigné pendant sa maladie, et se serait, par
là, acquis un droit éternel à sa gratitude.
M. K… s’était, paraît-il, toujours montré
aimable envers sa fille Dora, avait, lorsqu’il était
là, entrepris des promenades avec elle, lui faisant de
petits cadeaux ; personne cependant n’y aurait trouvé
de mal. Dora se serait occupée avec une grand sollicitude
des deux petits enfants du ménage K…, aurait en quelque
sorte remplacé leur mère.
Dora devait rester plusieurs semaines dans la maison des K…(villégiature
au bord d’un lac) : le père comptait rentrer au bout
de quelques jours. Mais lorsque le père se prépara
au départ, la jeune fille déclara qu’elle partirait
aussi.
Quelques jours plus tard, elle raconta
à sa mère que M. K… avait osé, pendant
une promenade après une excursion sur le lac, lui faire
une déclaration. Il nia ce fait. Au dire de
Mme K…, Dora ne s’intéressait qu’aux choses sexuelles.
Elle aurait lu la « Psychologie de l’amour ».
Dora exigeait que son père rompe ses relations avec M.
K… et surtout avec Mme K…, pour laquelle elle avait, dans le
temps, une sorte d’adoration.
Le traumatisme qui nous apparaît dans la vie de Dora est,
comme il arrive si souvent dans l’histoire des maladies hystériques,
incapable d’expliquer, de
déterminer le caractère distinctif des symptômes.
Elle me communiqua un événement antérieur,
bien plus propre que l’autre à agir comme traumatisme
sexuel. Elle était alors âgée de 14
ans. -> il sera Dora dans son magasin et l’embrassa sur la bouche.
Il y avait là de quoi provoquer une excitation sexuelle
chez Dora, mais elle ressentit à
ce moment un dégoût intense, s’arracha
violemment à lui. Elle continua néanmoins à
fréquenter M. K…
Dans cette seconde scène, antérieure quant à
la date, le comportement de l’enfant
de 14 ans est déjà tout à fait hystérique.
Je tiens sans hésiter pour hystérique toute
personne chez laquelle une occasion d’excitation sexuelle provoque
surtout ou exclusivement du dégoût, que cette personne
présente ou non des symptômes somatiques.
Il faut dire en outre qu’il s’est produit un « déplacement
» de la sensation. A la place de la sensation génitale
-> sensation de déplaisir liée à la partie
muqueuse supérieure du canal digestif. Je pense qu’elle
avait ressenti, pendant cette étreinte passionnée,
non seulement le baiser sur ses lèvres, mais encore la
pression du membre érigé contre son corps. Cette
perception choquante pour elle fut supprimée dans sa
mémoire, refoulée, et remplacée par la
sensation inoffensive d’une pression sur le thorax, sensation
qui devait son intensité exagérée au refoulement
de la pulsion.
Sa mère à qui elle s’adressa pour avoir des éclaircissements
sur ce discours obscur (son père nie la relation avec
Mme K…) lui raconta que son papa était si malheureux
à ce moment-là qu’il avait voulu se suicider dans
la forêt. Mme K…, l’avait suivi et déterminé,
par ses supplications, à se conserver aux siens. Pour
Dora, le couple ayant été surpris dans la forêt…
Il n’y avait aucun doute, Mme K… recevait de l’argent de lui
(elle faisait des dépenses énormes) et des cadeaux.
Après le départ de B…, ces relations, vieilles
de plusieurs années continuèrent. Le père
retournait à B de temps en temps du fait de son état
de santé… En effet, à peine étaient-ils
arrivés (3 sem) à Vienne que Dora apprenait que
les K… s’y étaient également installés.
L’idée s’imposait à elle qu’elle était
livrée à M. K… en rançon de la complaisance
dont celui-ci témoignait vis-à-vis de sa propre
femme et du père de Dora.
Les reproches de Dora à son père étaient
nourris, « doublés » d’autoreproches de même
nature. Son père ne voulait pas se rendre compte du comportement
de M. K…, envers sa fille, afin de n’être pas gêné
dans ses relations avec Mme K… mais elle avait fait exactement
la même chose. Ce n’est que de l’aventure au bord du lac
que dataient sa lucidité à ce sujet et ses sévères
exigences à l’égard du père. Pendant toutes
les années précédentes, elle avait favorisé,
de toutes les façons possibles, les relations de son
père avec Mme K… Elle n’allait jamais chez Mme K… quand
elle supposait que son père y était.
Une gouvernante, amoureuse du père avait tenté
d’ouvrir les yeux de Dora. Elle demanda son renvoi non pas pour
cela, mais parce qu’elle s’aperçut que l’amour qui lui
avait été prodigué s’adressait à
son père. (la gouvernante ne montrait de l’intérêt
qu’en présence du père).
Dora s’était comportée envers les enfants de M.
K… comme l’avait fait par moments, la gouvernante avec elle.
L’intérêt commun de M. K… et de Dora pour les enfants
(M.K… restait avec sa femme pour les enfants) avait été
dès le début un moyen de rapprochement.
Déduction : Pendant toutes ces
années Dora avait été amoureuse de M. K…
Je demandai quelle était la durée moyenne de ces
crises. A peu près trois à six semaines. Combien
de temps avait duré l’absence de M. K… ? Elle devait
en convenir : trois à six semaines aussi. Elle montrait
ainsi, par sa maladie, son amour pour M. K…, comme la femme
de celui-ci, sa répulsion (Mme K… Etait malade lorsque
son Mari était présent afin de se soustraire aux
devoirs conjugaux). L’une était
donc malade pendant l’absence du mari, l’autre malade pendant
sa présence.
L’aphonie de Dora permettait ainsi l’interprétation symbolique
suivante : pendant que l’aimé était au loin, elle
renonçait à la parole qui perdait toute sa valeur
puisqu’elle ne pouvait pas lui parler, à lui. L’écriture,
par contre, acquérait de l’importance comme étant
le seul moyen de correspondre avec l’absent.
Tout symptôme hystérique ne peut se produire sans
une certaine « complaisance somatique
»
Je lui dis qu’elle avait, sans doute, un but qu’elle espérait
atteindre par sa maladie, et que ce but ne pouvait être
autre que celui de détourner son père de Mme K…
(les prières et les arguments ne suffisant pas). J’étais
tout à fait convaincu qu’elle guérirait si son
père lui annonçait qu’il sacrifiait Mme K… à
sa santé. Je ne m’attendais bien à ce qu’elle
ne renonçât pas si aisément à sa
maladie.
Le symptôme est d’abord un hôte importun de la vie
psychique qui disparaît souvent de lui même, mais
si, au début, il ne peut trouver aucune utilisation dans
l’économie psychique, il arrive fréquemment qu’il
finisse secondairement par en acquérir une. Un certain
courant psychique peut trouver commode de se servir du symptôme,
et, de cette façon, celui-ci acquiert une « fonction
secondaire » et se trouve ancré dans le psychisme.
Celui qui veut guérir le malade se heurte alors à
une forte résistance qui lui apprend que le malade n’a
pas aussi sérieusement qu’il en à l’air l’intention
de renoncer à sa maladie.
Le symptôme signifie la représentation
– la réalisation – d’un fantasme à contenu sexuel,
c’est-à-dire d’une situation sexuelle, ou, pour mieux
dire, tout au moins une des significations du symptômes
correspond à la représentation d’un fantasme sexuel,
tandis que, pour les autres significations, pareille limitation
du contenu n’existe pas.
Lorsque Dora eut souligné une fois de plus que Mme K…
n’aimait son père que parce qu’il était un homme
« fortuné »… cette proposition masquait son
contraire : à savoir que son père n’avait pas
de fortune - >impuissant.
Elle approuve cette interprétation, avouant avoir pensé
à cela. -> La toux nerveuse
de Dora était donc une imaginaire situation sexuelle,
celle de Mme K. et de son père ayant des rapports bucco-génitaux
du fait de l’incapacité du père à avoir
un rapport sexuel normal.
« On ne court jamais le risque de pervertir une jeune
fille inexpérimentée ; là où les
connaissances sexuelles manquent, même dans l’inconscient,
il ne se produit aucun symptôme hystérique. Là
où l’on trouve de l’hystérie, il ne peut plus
être question de pureté des sentiments ».
Il n’était donc pas stupéfiant que notre hystérique,
âgée bientôt de 19 ans, et qui avait entendu
parler de semblables rapports sexuels (la succion de la verge),
développât un pareil fantasme inconscient et l’exprimât
par une sensation d’irritation dans la gorge et par de la toux.
L’activité intense et précoce de cette zone érogène
est, par suite, la condition d’une « complaisance somatique
» ultérieure. Lorsque, plus tard, à une
époque où le véritable objet sexuel, le
membre viril, est déjà connu, se produisent des
circonstances qui accroissent à nouveau l’excitation
de la zone buccale restée érogène, il ne
faut pas de grands efforts d’imagination pour substituer à
la mamelle originaire ou au doigt qui la remplaçait,
l’objet sexuel actuel, le pénis, dans la situation favorable
à la satisfaction. Ainsi, ce fantasme pervers, tellement
choquant, de la succion du pénis, a une origine des plus
innocentes.
Comment cette situation sexuelle imaginée par elle s’harmonise-t-elle
avec ce phénomène de l’apparition et de la disparition
des manifestations morbides qui coïncident avec la présence
et l’absence de l’homme aimé ? réponse : «
Si j’étais, moi, sa femme, je l’aimerais tout autrement,
je serait malade pendant son absence et bien portante quand
il serait là. Il n’est en effet pas nécessaire
que les diverses significations d’un symptôme s’accordent
entre elles.
Le refoulement a souvent été effectué
de telle sorte que la pensée opposée à
celle qui doit être refoulée a été
renforcée à l’excès. j’appelle ceci renforcement
de réaction et je qualifie cette pensée, qui s’est
affirmée dans le conscient et se montre indissoluble
à la manière d’un préjugé, de «
pensée réactionnelle
».
S’il est vrai que la toux ait eu comme point de départ
le fantasme d’une situation sexuelle, Dora se mettait ici à
la place de Mme K… On peut aisément conclure de tout
cela que son attachement à son père était
bien plus ardent qu’elle ne le savait ou bien qu’elle ne voulait
en convenir, bref, qu’elle était
amoureuse de son père.
Pendant quelques-uns de ces épisodes (maladie du père),
personne en dehors d’elle n’avait été admis à
lui donner les menus soins que réclame un malade… son
père en avait fait, alors qu’elle n’était encore
qu’une enfant, sa confidente. Ce n’était vraiment pas
sa mère, mais elle-même par la survenue de Mme
K…
Durant de longues années, cet état amoureux envers
son père ne s’était pas manifesté : bien
au contraire, elle avait été longtemps dans les
meilleurs termes avec la femme qui l’avait supplantée
auprès de son père, et elle avait même,
comme ses autoreproches nous l’ont appris, favorisé les
rapports de celle-ci avec son père. Cet
amour (pour le père) devait donc avoir été
récemment ravivé et, en ce cas, nous pouvons nous
demander dans quel but. Evidemment, en tant que symptôme
réactionnel, pour exprimer autre chose qui demeurait
puissant dans l’inconscient. En l’occurrence, je devais penser,
en premier lieu, que l’amour pour M.
K… était cette chose réprimée.
Il me fallait admettre que cet amour-là durait encore,
mais se heurtait, depuis la scène du lac, pour des raisons
inconnues, à une vive résistance et que la jeune
fille avait ressuscité en renforcé l’ancienne
inclinaison pour son père afin de ne garder aucune notion
consciente de son amour de jeune fille devenu pénible
pour elle.
Elle était pleine de regrets d’avoir repoussé
les sollicitations de M. K… et elle prétendais orgueilleusement
en avoir fini avec ce Monsieur.
Derrière l’idée prévalente qui avait pour
objet les rapports de son père avec Mme K…, se dissimulait
en réalité aussi un sentiment de jalousie dont
l’objet était Mme K… sentiment qui ne pouvait être
fondé que sur une inclination homosexuelle.
J’appris alors (avant le désaccord) que la jeune femme
et Dora, alors à peine nubile, avaient vécu pendant
de longues années dans la plus grande intimité.
Lorsque Dora habitait chez les K…, elle partageait la chambre
de Mme K… ; le mari était délogé. Dora
avait été la confidente et la conseillère
de la jeune femme dans toutes les difficultés
de sa vie conjugale.
… Mme K… l’avait donc trahie et noircie
(en accusant la fille de lire des ouvrages portés sur
le sexe) ; avec elle seulement, Dora avait parlé de Mantegazza
et de sujets scabreux ; cette histoire rappelait en tout point
celle de la gouvernante ; Mme K… l’avait sacrifiée pour
n’être pas troublée dans ses relations avec son
père.
Les idées prévalentes de Dora, relatives aux
rapports de son père avec Mme K…, étaient destinées,
non seulement à réprimer l’amour jadis conscient
pour M. K…, mais aussi à masquer l’amour, inconscient
dans le sens le plus profond, pour Mme K… Les idées
prévalentes étaient directement opposées
à cette tendance. Dora manifestait bruyamment qu’elle
lui enviait la possession de son père, et se dissimulait
ainsi le contraire, à savoir qu’elle ne pouvait pas
ne pas envier à son père l’amour de cette femme
et qu’elle n’avait pas pardonné à cette dernière,
tant aimée, la déception d’avoir été
trahie par elle.
II
Le PREMIER REVE
« Il y a un incendie dans une
maison. Mon père est debout devant mon lit et me réveille.
Je m’habille vite. Maman veut encore sauver sa boîte à
bijoux, mais papa dit : « Je ne veux pas que mes deux
enfants et moi soyons carbonisés à cause de ta
boîte à bijoux. » Nous descendons en hâte,
et aussitôt dehors, je me réveille ».
(rêve à répétition).
Elle se souvient d’avoir fait ce rêve à L… (l’endroit
au bord du lac où s’est passée la scène
avec M. K…), trois nuits de suite, puis il se répéta
ici il y a qq jours.
Je savais donc que le rêve était
une réaction à cet événement (la
scène dans la forêt).
Dora dit : « L’après-midi qui suivit l’excursion
au lac, dont M. K… et moi étions rentrés à
midi, je m’étendis, comme d’ordinaire, sur la chaise-longue
dans la chambre à coucher pour dormir un peu. Je m’éveillai
brusquement et vis M. K… debout devant moi. » > rendue
méfiante par ce fait, le lendemain matin, je m’enfermai
pour faire ma toilette. Lorsque je voulus l’après-midi,
m’enfermer pour me reposer de nouveau sur la chaise-longue,
la clef manquait. Je suis convaincue que c’était M. K…
qui l’avait enlevée. »
C’est donc le thème de la fermeture ou de la non-fermeture
de la chambre qui se trouve dans les associations du rêve.
« J’avais à craindre que, les matins suivant, M.
K… ne me surprit à ma toilette, [je m’habillais donc
très vite tout ce temps-là]. »
C’est comme si vous vous étiez dit : « Je ne suis
pas tranquille, je ne puis trouver de sommeil calme avant d’être
hors de cette maison.
Vous vous disiez : « Cet
homme me poursuit, il veut pénétrer dans ma chambre,
ma « boîte à bijoux » est en danger,
et s’il arrive là un malheur, ce sera de la faute à
papa. » C’est pourquoi vous avez choisi pour le rêve
une situation qui exprime le contraire, un danger dont vous
êtes sauvée par votre père.
Dans cette région du rêve tout, en général,
est transformé en son contraire. Quel rôle joue
là votre mère ? Elle est, vous le savez, votre
ancienne rivale auprès de votre père. Lors de
l’incident du bracelet, vous auriez volontiers accepté
ce que votre maman avait refusé. Vous étiez prête
à donner à votre père ce que votre mère
lui refusait et ce dont il s’agit aurait eu quelque rapport
avec des bijoux.
L’homme debout devant votre lit (le père dans le rêve)
est M. K… Il vous a donné une boîte à bijoux
; c’est pour cela que j’ai parlé tout à l’heure
d’un cadeau en échange. Dans cette série d’idées,
votre maman doit être remplacée par Mme K… Vous
êtes dont prête à donner à M. K… ce
que sa femme lui refuse. Là encore, vous réveillez
votre ancien amour pour votre père afin de vous défendre
contre votre amour pour M. K…
Un rêve régulier se tient
sur deux jambes, dont l’une s’appuie sur le fait
récent essentiel, l’autre sur un événement
important de l’enfance. Le désir qui crée le rêve
provient donc toujours de l’enfance -> corriger le présent
d’après l’enfance.
Songez à vos expressions : « qu’il arrive un malheur
la nuit, qu’on ait besoin de sortir ». Cela ne signifie-t-il
pas un besoin naturel et, si vous rapportez ce malheur à
l’enfance, peut-il être autre que celui de mouiller son
lit ? Mais que fait-on pour préserver les enfants de
mouiller leur lit ? On les réveille, n’est-ce pas, tout
comme le fait votre père avec vous, dans le rêve
? Je dois donc en conclure que vous avez souffert d’incontinence
d’urine plus longtemps qu’il n’est ordinaire chez les enfant
(elle confirme).
Tous jours, au réveil, Dora percevait une odeur de fumée…
Cette sensation ne pouvait alors guère signifier autre
chose que le désir d’un baiser qui, chez un fumeur, sent
nécessairement la fumée ; or un baiser avait été
échangé entre eux, deux ans auparavant, ce qui
se serait maintes fois renouvelé si la jeune fille avait
cédé aux sollicitations de M. K...
Cette incontinence n’a à ce que je crois, aucune cause
plus vraisemblable que la masturbation, qui joue dans l’étiologie
de l’incontinence un rôle non encore estimé à
sa juste valeur.
La jeune fille entendit alors une vieille tante dire à
sa mère : « Il avait déjà été
malade avant son mariage » -> son père était
donc tombé malade à cause de la vie dévergondée
qu’il avait menée, et elle pensait qu’il lui avait transmis
par hérédité sa maladie. -> sa persévérance
à s’identifier à sa mère m’imposa presque
l’obligation de demander si elle aussi avait une maladie vénérienne,
et voilà que j’appris qu’elle était atteinte d’un
« catarrhe » (flueurs blanches), dont elle ne se
rappelait pas le début.
|
Elle nia la masturbation infantile en bloc, mais qq jours
plus tard elle fit un « acte symptomatique (=faire machinalement,
inconsciemment, comme en jouant,..) -> porte-monnaie > l’ouvrait,
y introduisait le doigt, le refermait, etc.
Accusations contre le père responsable de sa maladie,
derrière lesquelles se cachait une auto-accusation
– fleurs blanches – jeu avec le sac à main – incontinence
après la sixième année – secret qu’elle
ne veut pas se laisser ravir par les médecins :je considère,
sur de tels indices, que la preuve indubitable de la masturbation
infantile est faite.
J’eus de fortes raisons de supposer que l’enfant, dont la
chambre communiquait avec celle des parents, avait surpris
une visite nocturne de son père à sa mère
et qu’elle avait entendu, pendant le coït, la respiration
haletante de l’homme, déjà court d’haleine à
l’état habituel. Les enfants pressentent en pareils
cas le caractère sexuel de ces bruits inquiétants.
… J’ai pu, dans beaucoup de cas, comme dans celui de Dora,
ramener le symptôme de la dyspnée, de l’asthme
nerveux, à la même cause déterminante,
c’est-à-dire au fait d’avoir surpris les rapports sexuels
des adultes.
Le désir de substituer son
père à M. K… est la force motrice du rêve.
Je rappelle > l’attachement infantile de Dora pour son père
aurait été réveillé pour maintenir
en état de refoulement l’amour refoulé pour
M. K…
Si Dora se sent incapable de céder
à l’amour pour cet homme, si elle refoule cet amour
au lieu de s’y abandonner, c’est que cette décision
ne dépend d’aucun facteur plus étroitement que
de sa satisfaction sexuelle précoce et de ses suites,
l’incontinence, la leucorrhée et le dégoût.
Par « mouillé » et « gouttes »
s’ouvre à nous en même temps l’autre cercle d’associations,
celui du catarrhe dégoûtant qui, à l’âge
adulte, a le même effet humiliant que l’incontinence
d’urine dans l’enfance. « Mouillé » équivaut
ici à « souillé ». Les organes génitaux
sont ainsi souillés par la leucorrhée autant
chez sa mère que chez elle-même.
… C’est ainsi que l’on trouve, dans le contenu du rêve,
deux fois le mots « la boîte à bijoux de
maman » et cet élément remplace l’expression
de la jalousie infantile, la perle en forme de goutte, donc
l’humectation sexuelle, la souillure par la leucorrhée
et, d’autre part, l’actuelle tentation de rendre amour pour
amour, dépeignant d’avance la situation sexuelle en
perspective, désirée et redoutée. L’élément
« boîte à bijoux » résulte,
plus que tout autre, de déplacements et de condensations,
c’est un compromis de tendances contraires.
III
Le SECOND REVE
« Je me promène dans
une ville que je ne connais pas, je vois des rues et des places
qui me sont étrangères. J’entre ensuite dans
une maison où j’habite, je vais dans ma chambre et
j’y trouve une lettre de maman. Elle écrit que comme
j’étais sortie à l’insu de mes parents, elle
n’avait pas voulu m’informer que papa était tombé
malade. [Maintenant il est mort,
et si tu veux, tu peux venir]
Je vais donc à la gare et je demande peut-être
cent fois où est la gare. On me répond invariablement
: cinq minutes. Ensuite, je vois devant moi une épaisse
forêt, dans laquelle je pénètre, et je
questionne un homme que j’y rencontre. Il me dit : encore
deux heures et demie. Il me propose de m’accompagner. Je refuse
et m’en vais toute seule. Je vois la gare devant moi et je
ne puis l’atteindre. Ceci est accompagné du sentiment
d’angoisse que l’on a dans un rêve où l’on ne
peut avancer. Ensuite, je suis à la maison, entre-temps
j’ai dû aller en voiture, mais je n’en sais rien. J’entre
dans la loge du concierge et je le questionne au sujet de
notre appartement. La femme de chambre m’ouvre et répond
: maman et les autres sont déjà au cimetière.
»
Il restait à comprendre pourquoi Dora s’était
sentie si offensée par les sollicitations de M. K…
La course à travers la ville étrangère
était surdéterminée. Elle conduisait
à une cause occasionnelle du rêve. Un jeune cousin
était justement venu passer les fêtes chez eux
et Dora s’apprêtait à lui faire visiter Vienne.
Ce cousin lui rappelait son premier et court séjour
à Dresde. Elle avait erré en étrangère
dans Dresde et n’avait pas négligé de visiter
la célèbre galerie de tableaux. Un autre cousin
voulait leur faire voir cette galerie. Mais elle refusa, elle
alla toute seule, et s’arrêta devant la « Madone
Sixtine » pendant deux heures en admiration.
« Elle demanda peut-être cent fois… » La
veille au soir, après le départ des visiteurs,
le père demanda à Dora de lui apporter du cognac.
Elle demanda la clef du garde-manger à sa mère,
mais celle-ci, absorbée dans une conversation, ne répondit
pas, de sorte que Dora impatientée s’écria :
« Voilà cent fois » que je te demande de
me dire où est la clef ! » Où est la clef
? me semble être le pendant viril de la question : Où
est la boîte ? Ce sont ainsi des questions relatives
aux organes génitaux.
Pendant une réunion de famille, quelqu’un avait porté
un toast au père en exprimant l’espoir qu’il
demeurât longtemps en bonne santé. Elle s’aperçut
des traits fatigués sur son visage et eu la pensée
qu’il ne lui restait pas si longtemps que cela à vivre.
> nous voici arrivés au texte de la lettre du rêve.
Son père est mort, elle s'est absentée de la
maison de sa propre autorité.
Nous trompons-nous si nous admettons que la situation formant
la façade du rêve correspond à un fantasme
de vengeance contre son père ? Voici quelle
signification aurait ce fantasme : elle quitte la maison,
part pour l’étranger, son père a le cœur brisé
de chagrin, ne peut vivre loin d’elle. Alors, elle serait
vengée.
Freud demande à Dora de se rappeler la déclaration
de M. K : « vous savez que ma femme n’est rien pour
moi ». La forêt du rêve est semblable à
celle où s’est passée la scène. Mais
elle avait vu hier exactement la même épaisse
forêt dans un tableau de l’exposition de la «
Sécession ». Au fond du tableau, on voyait des
« nymphes ». -> La gare et le cimetière
à la place d’organes génitaux, voilà
qui était assez clair, Maintenant, en faisant intervenir
les « nymphes » qu’on voit au font d’une «
forêt épaisse », aucun doute n’était
plus permis. C’était là de la géographie
sexuelle symbolique ! On appelle nymphes les petites lèvres
qui se trouvent à l’arrière-plan de la forêt
épaisse des poils pubiens.
Derrière la première situation
de ce rêve se cachait alors un fantasme de défloration,
un homme s’efforçant de pénétrer dans
les organes génitaux d’une femme.
« Elle va tranquillement dans sa chambre et lit un
gros livre qui se trouve sur son bureau ». L’accent
porte sur « Tranquillement et Gros » -> Format
du dictionnaire qu’elle confirme. Or les enfants ne lisent
jamais « tranquillement » un dictionnaire lorsqu’il
s’agit de sujets défendus. Ils tremblent, et ont peur
d’être surpris. Les parents sont un grand obstacle à
pareille lecture, mais la faculté propre au rêve
de réaliser des désirs… son père était
mort et les autres au cimetière. Elle pouvait donc
lire tranquillement ce qui lui plaisait. Cela
ne signifiait-il pas qu’un des motifs de sa vengeance était
une révolte contre la contrainte exercée par
ses parents ? Son père mort, elle pouvait lire et aimer
à sa guise.
Un cousin de Dora était atteint d’une grave appendicite.
Elle ouvrit le dictionnaire pour s’instruire des symptômes
de l’appendicite.
« elle se voit d’une façon particulièrement
distincte montant l’escalier ».
Après son appendicite, elle eut pendant longtemps de
la difficulté à marcher et elle traînait
le pied droit. Aujourd’hui encore, son pied parfois ne lui
obéissait pas. C’était là un véritable
symptôme hystérique. La
névrose avait profité du hasard pour la faire
servir à l’une de ses manifestations. Dora s’était
ainsi fabriqué une maladie dont elle avait lu la description
dans le dictionnaire. Que signifiait donc cet état
singeant une pérityphlite
? Je demandai donc quand l’appendicite était apparue,
avant ou après la scène du lac ? La réponse
immédiate et qui résolvait d’un coup toutes
les difficultés, fut celle-ci : « Neuf
mois après ».
Je dis : « Si vous accouchez neuf mois après
la scène au bord du lac et que vous supportez jusqu’à
ce jour les suites du faux pas (elle boitait encore), cela
prouve que vous avez regretté inconsciemment l’issue
de cette scène. Votre fantasme de l’accouchement présuppose
qu’il s’était alors passé quelque chose, que
vous avez alors vécu et éprouvé tout
ce que vous avez dû puiser plus tard dans le dictionnaire.
Votre amour pour M. K persiste jusqu’à présent
- bien qu’inconsciemment pour vous.
Elle commença la troisième séance par
ces paroles : « Savez-vous, docteur, que c’est aujourd’hui
la dernière fois que je suis ici ?
- Quand avez-vous pris cette décision ?
- Il y a 15 jours, je
crois.
- Ces 15 jours font penser à l’avis que donne de son
départ une domestique ou une gouvernante.
- Il y avait aussi une gouvernant qui a fait cela chez les
K… lorsque j’ai été les voir au bord du lac…
elle (la gouvernante) me raconta que M. K… l’avait courtisée
en disant que sa femme n’était rien pour lui.
- Mais ce sont les paroles mêmes qu’il a prononcées
lorsqu’il vous a fait sa déclaration et que vous l’avez
giflé. Et cette gouvernante avait donné avis
de son départ ?
- Elle dit qu’elle voulait attendre encore un peu pour voir
si rien ne changeait chez M. K…
- Je connais la raison de la gifle par laquelle vous avez
répondu à la déclaration de M. K… Ce
n’était pas parce que ses sollicitations vous avaient
offensée, mais par vengeance jalouse. Vous vous êtes
dit : « Il ose me traiter comme
un gouvernante ? » Cette blessure d’amour-propre
associée à la jalousie et à des motifs
conscients sensés, c’en était trop enfin. >>
Comme preuve de l’influence qu’exerce encore sur vous cette
histoire de la gouvernante je vous citerai le nombreuses identifications…
: Vous racontez à vos parents ce qui est arrivé,
tout comme la jeune fille l’a écrit aux siens.
Vous me donnez avis de votre départ comme ferait une
gouvernante, après vous y être résolu
15 jours à l’avance.
Freud pense également que si elle a attendu une quinzaine
de jours avant de tout dire à sa mère c’est
parce qu’elle attendait que le même (délai qu’avait
attendu la gouvernante) délai fût écoulé
pour voir si M. K… renouvellerait sa déclaration.
L’espoir d’un mariage : « Les relations que vous aviez
sans doute, pour cette seule raison, si longtemps favorisées
de votre père avec Mme K…, vous garantissaient que
Mme K… consentirait au divorce et, quant à votre père,
vous obtenez de lui tout ce que vous voulez. Et voilà
pourquoi, je pense, vous avez tellement
regretté ce qui était arrivé et l’avez
corrigé dans votre imagination par le fantasme de l’appendicite.
Ce dut être pour vous une profonde déception
que le résultat de vos accusations fût, non pas
une nouvelle poursuite de M. K…, mais ses dénégations
et ses injures.
Je sais maintenant ce dont vous ne voulez
pas qu’on vous fasse souvenir : que vous vous étiez
figuré que la déclaration de M. K… pouvait être
sérieuse, et qu’il ne se lasserait pas jusqu’à
ce que vous l’ayez épousé.
Elle écouta sans contredire, sembla ému, me
quitta le plus aimablement du monde… ne reparut plus. Celui
qui réveille, comme je fais, les pires démons
incomplètement domptés au fond de l’âme
humaine, afin de les combattre, doit se tenir prêt à
n’être pas épargné dans cette lutte.
… Ces malades sont sous l’empire de l’opposition qui existe
entre la réalité et les fantasmes de leur inconscient.
Ce à quoi ils aspirent le plus ardemment dans leurs
rêveries, ils le fuient dès que la réalité
le leur offre et c’est quand aucune réalisation n’est
plus à craindre qu’ils s’abandonnent le plus volontiers
à leurs fantasmes.
IV
CONCLUSION
J’ai voulu compléter ma « Science des rêves
», en montrant comment on peut utiliser cet art afin
de dévoiler les parties cachées et refoulées
de l’âme humaine, et par la même occasion, éveiller
l’intérêt pour certains phénomènes
qui sont encore tout à fait ignorés de la science
: (refoulement, déplacement… )
J’ai tenu aussi à montrer que la sexualité n’intervient
pas d’une façon isolée, comme un « deus
ex machina », dans l’ensemble des phénomènes
caractéristiques de l’hystérie, mais qu’elle
est la force motrice de chacun des symptômes
et de chacune des manifestations d’un symptôme. Les
manifestations morbides sont, pour ainsi dire, « l’activité
sexuelle des malades ». > La sexualité
est la clef du problème des psychonévroses,
ainsi que des névroses en général.
Le transfert ne peut être
évité, car
il est utilisé à la formation de tous les obstacles
qui rendent inaccessible le matériel, et parce que
la sensation de conviction relative à la justesse des
contextes reconstruits ne se produit chez le malade qu’une
fois le transfert résolu.
Aussi me comparaît-elle consciemment à lui (son
père) > 1er transfert, mais ensuite : Lorsque survint
le premier rêve, dans lequel elle me prévenait
qu’elle voulait abandonner le traitement comme, autrefois,
la maison de M. K…, j’aurais dû me mettre sur mes gardes
et lui dire : « Vous venez de faire un transfert de
M. K… sur moi. Avez-vous remarqué quoi que ce sont
vous faisant penser de ma part à de mauvaises intentions
analogues à celles de M. K… ? Son attention se serait
alors portée sur quelque détail de nos relations…
et par la solution de ce transfert, l’analyse aurait trouvé
accès à du matériel nouveau. Ainsi, je
fus surpris par le transfert et c’est à cause de ce
facteur inconnu par lequel je lui rappelais M. K…, qu’elle
se vengea de moi, comme elle voulait
se venger de lui ; elle m’abandonna comme elle se croyait
trompée et abandonnée par lui.
…Dora réapparut 15 mois après. Son état
s’était amélioré. Elle profita de la
mort d’un des enfants des K (au mois de mai de l’année
précédente) pour renouer contact avec eux et
faire reconnaître à Mme K… sa relation avec son
père et à M. K… la déclaration qu’il
lui avait faite jadis. Elle était venue requérir
l’aide de Freud contre une névralgie faciale droite
qui n’était qu’un symptôme hystérique.
« Cette pseudo-névralgie équivalait à
une autopunition, à un remords au sujet de la gifle
donnée jadis à M. K… et était en rapport
avec le transfert sur moi de sa vengeance… Je promis de lui
pardonner de m’avoir privé de la satisfaction de la
débarrasser plus radicalement de son mal.
Des années se sont écoulées depuis cette
visite. La jeune fille s’est mariée. Si le premier
rêve indiquait le détachement de l’homme aimé
et le retour vers son père, c’est-à-dire la
fuite devant la vie dans la maladie, ce second rêve
annonçait en effet qu’elle se détacherait de
son père et qu’elle serait reconquise par la vie.
ANALYSE
D’UNE PHOBIE
CHEZ UN PETIT GARCON DE 5 ANS
(Le petit Hans)
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