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Cinq
psychanalyses

Dora : Un cas d'hystérie
Le petit hans : Une phobie
L'homme aux rats : Une névrose obsessionnelle
Le président Schreber : Une paranoïa
L'homme aux loups : Une névrose infantile

SIGMUND FREUD

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

TABLE DES MATIERES

Fragment d’une analyse d’hystérie. (Dora)

Avant-propos
I. L’état morbide
II. Le premier rêve
III. Le second rêve
IV. Conclusion

Analyse d’une phobie chez une petit garçon de 5 ans. (Le petit Hans)
I. Introduction
II. Histoire de la maladie et analyse
III. Commentaire
IV. Epilogue (1922)

Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle. (L’homme aux rats)
I. Fragments de l’histoire de la maladie

a) Le début du traitement
b) La sexualité infantile
c) La grande appréhension obsédante
d) Introduction à l’intelligence de la cure
e) Quelques obsessions et leur traduction
f) La cause occasionnelle de la maladie
g) Le complexe paternel et la solution de l’obsession aux rats


 
 

 

II. Considérations théoriques
a) Quelques caractères généraux des formations obsessionnelles
b) Quelques particularités psychologiques des obsédés, leur attitude envers la réalité, la superstition et la mort
c) La vie instinctuelle et l’origine de la compulsion et du doute

Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa : Dementia Paranoïdes. (Le président Schreber)
I. Histoire de la maladie
II. Essais d’interprétation
III. Du mécanisme de la paranoïa
Appendice

Extrait de l’histoire d’une névrose infantile. (l’homme aux loups)
I. Introduction
II. Coup d’œil d’ensemble sur le milieu et l’histoire du malade
III. La séduction et ses conséquences immédiates
IV. Le rêve et la scène primitive
V. Discussion de quelques problèmes
VI. La névrose obsessionnelle
VII. Erotisme anal et complexe de castration
VIII. Nouveau souvenir relatifs à la période primitive. Conclusion
IX. Récapitulation et problèmes divers

[...........................................]

     J’accepterai volontiers toute remarque au sujet d'une inexactitude quelconque concernant les écrits, 
et serai enchanté de recevoir par e-mail des résumés d’œuvres de la part de personnes désireuses d’enrichir dicopsy.

   
 
 

 

 


 


 
 

 

FRAGMENT
D’UNE ANALYSE D’HYSTERIE
(Dora)

I

L’ETAT MORBIDE

Elle portait à son père une tendresse particulière. Une affection tuberculeuse de celui-ci détermina la famille à élire domicile à B où l’affection pulmonaire s’y améliora. Séjour qui se prolongea pendant 10 ans.
… Ce fut un accès de confusion mentale, suivi de phénomènes paralytiques. Je fis entreprendre un ttt antisyphilitique énergique -> succès. C’est probablement du fait de cette heureuse intervention que le père me présenta, 4 ans plus tard, sa fille nettement névrosée.
J’avais fait la connaissance, à Vienne, d’une sœur aînée du malade, chez laquelle se manifestait une forme grave de psychonévrose. Après une vie conjugale malheureuse, elle mourut à la suite d’une cachexie. Un frère aîné (du père) était célibataire et hypocondriaque.

La jeune fille, devenue à l’âge de 18 ans ma cliente considérait la tante comme son modèle. La mère de Dora était apparemment « inintelligente » et victime de la « psychose de la ménagère » - à tel point que l’usage et la jouissance en étaient devenus presque impossible.
Le rapport entre la mère et la fille était depuis des années très peu affectueux.

Dora présentait dès l’âge de 8 ans des troubles nerveux. Elle souffrait alors d’une gêne respiratoire permanente. Des migraines et des accès de toux nerveuse apparurent vers l’âge de 12 ans. La migraine disparut à 16 ans. Les quintes de toux nerveuse, probablement déclenchées par un catarrhe banal, persistaient tout le temps… Une aphonie complète durant toute la première moitié de la crise était le symptôme le plus gênant.

Son père m’apprit que lui et sa famille avaient noué, à B…, une amitié intime avec un couple. Mme K… l’aurait soigné pendant sa maladie, et se serait, par là, acquis un droit éternel à sa gratitude. M. K… s’était, paraît-il, toujours montré aimable envers sa fille Dora, avait, lorsqu’il était là, entrepris des promenades avec elle, lui faisant de petits cadeaux ; personne cependant n’y aurait trouvé de mal. Dora se serait occupée avec une grand sollicitude des deux petits enfants du ménage K…, aurait en quelque sorte remplacé leur mère.
Dora devait rester plusieurs semaines dans la maison des K…(villégiature au bord d’un lac) : le père comptait rentrer au bout de quelques jours. Mais lorsque le père se prépara au départ, la jeune fille déclara qu’elle partirait aussi. 
Quelques jours plus tard, elle raconta à sa mère que M. K… avait osé, pendant une promenade après une excursion sur le lac, lui faire une déclaration. Il nia ce fait. Au dire de Mme K…, Dora ne s’intéressait qu’aux choses sexuelles. Elle aurait lu la « Psychologie de l’amour ».
Dora exigeait que son père rompe ses relations avec M. K… et surtout avec Mme K…, pour laquelle elle avait, dans le temps, une sorte d’adoration.
Le traumatisme qui nous apparaît dans la vie de Dora est, comme il arrive si souvent dans l’histoire des maladies hystériques, incapable d’expliquer, de déterminer le caractère distinctif des symptômes. Elle me communiqua un événement antérieur, bien plus propre que l’autre à agir comme traumatisme sexuel. Elle était alors âgée de 14 ans. -> il sera Dora dans son magasin et l’embrassa sur la bouche. Il y avait là de quoi provoquer une excitation sexuelle chez Dora, mais elle ressentit à ce moment un dégoût intense, s’arracha violemment à lui. Elle continua néanmoins à fréquenter M. K…
Dans cette seconde scène, antérieure quant à la date, le comportement de l’enfant de 14 ans est déjà tout à fait hystérique. Je tiens sans hésiter pour hystérique toute personne chez laquelle une occasion d’excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du dégoût, que cette personne présente ou non des symptômes somatiques.
Il faut dire en outre qu’il s’est produit un « déplacement » de la sensation. A la place de la sensation génitale -> sensation de déplaisir liée à la partie muqueuse supérieure du canal digestif. Je pense qu’elle avait ressenti, pendant cette étreinte passionnée, non seulement le baiser sur ses lèvres, mais encore la pression du membre érigé contre son corps. Cette perception choquante pour elle fut supprimée dans sa mémoire, refoulée, et remplacée par la sensation inoffensive d’une pression sur le thorax, sensation qui devait son intensité exagérée au refoulement de la pulsion.

Sa mère à qui elle s’adressa pour avoir des éclaircissements sur ce discours obscur (son père nie la relation avec Mme K…) lui raconta que son papa était si malheureux à ce moment-là qu’il avait voulu se suicider dans la forêt. Mme K…, l’avait suivi et déterminé, par ses supplications, à se conserver aux siens. Pour Dora, le couple ayant été surpris dans la forêt… Il n’y avait aucun doute, Mme K… recevait de l’argent de lui (elle faisait des dépenses énormes) et des cadeaux. 
Après le départ de B…, ces relations, vieilles de plusieurs années continuèrent. Le père retournait à B de temps en temps du fait de son état de santé… En effet, à peine étaient-ils arrivés (3 sem) à Vienne que Dora apprenait que les K… s’y étaient également installés.
L’idée s’imposait à elle qu’elle était livrée à M. K… en rançon de la complaisance dont celui-ci témoignait vis-à-vis de sa propre femme et du père de Dora.

Les reproches de Dora à son père étaient nourris, « doublés » d’autoreproches de même nature. Son père ne voulait pas se rendre compte du comportement de M. K…, envers sa fille, afin de n’être pas gêné dans ses relations avec Mme K… mais elle avait fait exactement la même chose. Ce n’est que de l’aventure au bord du lac que dataient sa lucidité à ce sujet et ses sévères exigences à l’égard du père. Pendant toutes les années précédentes, elle avait favorisé, de toutes les façons possibles, les relations de son père avec Mme K… Elle n’allait jamais chez Mme K… quand elle supposait que son père y était.

Une gouvernante, amoureuse du père avait tenté d’ouvrir les yeux de Dora. Elle demanda son renvoi non pas pour cela, mais parce qu’elle s’aperçut que l’amour qui lui avait été prodigué s’adressait à son père. (la gouvernante ne montrait de l’intérêt qu’en présence du père).
Dora s’était comportée envers les enfants de M. K… comme l’avait fait par moments, la gouvernante avec elle.
L’intérêt commun de M. K… et de Dora pour les enfants (M.K… restait avec sa femme pour les enfants) avait été dès le début un moyen de rapprochement.
Déduction : Pendant toutes ces années Dora avait été amoureuse de M. K
Je demandai quelle était la durée moyenne de ces crises. A peu près trois à six semaines. Combien de temps avait duré l’absence de M. K… ? Elle devait en convenir : trois à six semaines aussi. Elle montrait ainsi, par sa maladie, son amour pour M. K…, comme la femme de celui-ci, sa répulsion (Mme K… Etait malade lorsque son Mari était présent afin de se soustraire aux devoirs conjugaux). L’une était donc malade pendant l’absence du mari, l’autre malade pendant sa présence.
L’aphonie de Dora permettait ainsi l’interprétation symbolique suivante : pendant que l’aimé était au loin, elle renonçait à la parole qui perdait toute sa valeur puisqu’elle ne pouvait pas lui parler, à lui. L’écriture, par contre, acquérait de l’importance comme étant le seul moyen de correspondre avec l’absent.
Tout symptôme hystérique ne peut se produire sans une certaine « complaisance somatique »

Je lui dis qu’elle avait, sans doute, un but qu’elle espérait atteindre par sa maladie, et que ce but ne pouvait être autre que celui de détourner son père de Mme K… (les prières et les arguments ne suffisant pas). J’étais tout à fait convaincu qu’elle guérirait si son père lui annonçait qu’il sacrifiait Mme K… à sa santé. Je ne m’attendais bien à ce qu’elle ne renonçât pas si aisément à sa maladie.
Le symptôme est d’abord un hôte importun de la vie psychique qui disparaît souvent de lui même, mais si, au début, il ne peut trouver aucune utilisation dans l’économie psychique, il arrive fréquemment qu’il finisse secondairement par en acquérir une. Un certain courant psychique peut trouver commode de se servir du symptôme, et, de cette façon, celui-ci acquiert une « fonction secondaire » et se trouve ancré dans le psychisme. Celui qui veut guérir le malade se heurte alors à une forte résistance qui lui apprend que le malade n’a pas aussi sérieusement qu’il en à l’air l’intention de renoncer à sa maladie.

Le symptôme signifie la représentation – la réalisation – d’un fantasme à contenu sexuel, c’est-à-dire d’une situation sexuelle, ou, pour mieux dire, tout au moins une des significations du symptômes correspond à la représentation d’un fantasme sexuel, tandis que, pour les autres significations, pareille limitation du contenu n’existe pas.

Lorsque Dora eut souligné une fois de plus que Mme K… n’aimait son père que parce qu’il était un homme « fortuné »… cette proposition masquait son contraire : à savoir que son père n’avait pas de fortune - >impuissant. Elle approuve cette interprétation, avouant avoir pensé à cela. -> La toux nerveuse de Dora était donc une imaginaire situation sexuelle, celle de Mme K. et de son père ayant des rapports bucco-génitaux du fait de l’incapacité du père à avoir un rapport sexuel normal.
« On ne court jamais le risque de pervertir une jeune fille inexpérimentée ; là où les connaissances sexuelles manquent, même dans l’inconscient, il ne se produit aucun symptôme hystérique. Là où l’on trouve de l’hystérie, il ne peut plus être question de pureté des sentiments ». Il n’était donc pas stupéfiant que notre hystérique, âgée bientôt de 19 ans, et qui avait entendu parler de semblables rapports sexuels (la succion de la verge), développât un pareil fantasme inconscient et l’exprimât par une sensation d’irritation dans la gorge et par de la toux.
L’activité intense et précoce de cette zone érogène est, par suite, la condition d’une « complaisance somatique » ultérieure. Lorsque, plus tard, à une époque où le véritable objet sexuel, le membre viril, est déjà connu, se produisent des circonstances qui accroissent à nouveau l’excitation de la zone buccale restée érogène, il ne faut pas de grands efforts d’imagination pour substituer à la mamelle originaire ou au doigt qui la remplaçait, l’objet sexuel actuel, le pénis, dans la situation favorable à la satisfaction. Ainsi, ce fantasme pervers, tellement choquant, de la succion du pénis, a une origine des plus innocentes.

Comment cette situation sexuelle imaginée par elle s’harmonise-t-elle avec ce phénomène de l’apparition et de la disparition des manifestations morbides qui coïncident avec la présence et l’absence de l’homme aimé ? réponse : «  Si j’étais, moi, sa femme, je l’aimerais tout autrement, je serait malade pendant son absence et bien portante quand il serait là. Il n’est en effet pas nécessaire que les diverses significations d’un symptôme s’accordent entre elles.

Le refoulement a souvent été effectué de telle sorte que la pensée opposée à celle qui doit être refoulée a été renforcée à l’excès. j’appelle ceci renforcement de réaction et je qualifie cette pensée, qui s’est affirmée dans le conscient et se montre indissoluble à la manière d’un préjugé, de « pensée réactionnelle ».

S’il est vrai que la toux ait eu comme point de départ le fantasme d’une situation sexuelle, Dora se mettait ici à la place de Mme K… On peut aisément conclure de tout cela que son attachement à son père était bien plus ardent qu’elle ne le savait ou bien qu’elle ne voulait en convenir, bref, qu’elle était amoureuse de son père.
Pendant quelques-uns de ces épisodes (maladie du père), personne en dehors d’elle n’avait été admis à lui donner les menus soins que réclame un malade… son père en avait fait, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, sa confidente. Ce n’était vraiment pas sa mère, mais elle-même par la survenue de Mme K…
Durant de longues années, cet état amoureux envers son père ne s’était pas manifesté : bien au contraire, elle avait été longtemps dans les meilleurs termes avec la femme qui l’avait supplantée auprès de son père, et elle avait même, comme ses autoreproches nous l’ont appris, favorisé les rapports de celle-ci avec son père. Cet amour (pour le père) devait donc avoir été récemment ravivé et, en ce cas, nous pouvons nous demander dans quel but. Evidemment, en tant que symptôme réactionnel, pour exprimer autre chose qui demeurait puissant dans l’inconscient. En l’occurrence, je devais penser, en premier lieu, que l’amour pour M. K… était cette chose réprimée. Il me fallait admettre que cet amour-là durait encore, mais se heurtait, depuis la scène du lac, pour des raisons inconnues, à une vive résistance et que la jeune fille avait ressuscité en renforcé l’ancienne inclinaison pour son père afin de ne garder aucune notion consciente de son amour de jeune fille devenu pénible pour elle.
Elle était pleine de regrets d’avoir repoussé les sollicitations de M. K… et elle prétendais orgueilleusement en avoir fini avec ce Monsieur.

Derrière l’idée prévalente qui avait pour objet les rapports de son père avec Mme K…, se dissimulait en réalité aussi un sentiment de jalousie dont l’objet était Mme K… sentiment qui ne pouvait être fondé que sur une inclination homosexuelle.
J’appris alors (avant le désaccord) que la jeune femme et Dora, alors à peine nubile, avaient vécu pendant de longues années dans la plus grande intimité. Lorsque Dora habitait chez les K…, elle partageait la chambre de Mme K… ; le mari était délogé. Dora avait été la confidente et la conseillère de la jeune femme dans toutes les difficultés de sa vie conjugale.
Mme K… l’avait donc trahie et noircie (en accusant la fille de lire des ouvrages portés sur le sexe) ; avec elle seulement, Dora avait parlé de Mantegazza et de sujets scabreux ; cette histoire rappelait en tout point celle de la gouvernante ; Mme K… l’avait sacrifiée pour n’être pas troublée dans ses relations avec son père.

Les idées prévalentes de Dora, relatives aux rapports de son père avec Mme K…, étaient destinées, non seulement à réprimer l’amour jadis conscient pour M. K…, mais aussi à masquer l’amour, inconscient dans le sens le plus profond, pour Mme K… Les idées prévalentes étaient directement opposées à cette tendance. Dora manifestait bruyamment qu’elle lui enviait la possession de son père, et se dissimulait ainsi le contraire, à savoir qu’elle ne pouvait pas ne pas envier à son père l’amour de cette femme et qu’elle n’avait pas pardonné à cette dernière, tant aimée, la déception d’avoir été trahie par elle.

II

Le PREMIER REVE

« Il y a un incendie dans une maison. Mon père est debout devant mon lit et me réveille. Je m’habille vite. Maman veut encore sauver sa boîte à bijoux, mais papa dit : « Je ne veux pas que mes deux enfants et moi soyons carbonisés à cause de ta boîte à bijoux. » Nous descendons en hâte, et aussitôt dehors, je me réveille ». (rêve à répétition).

Elle se souvient d’avoir fait ce rêve à L… (l’endroit au bord du lac où s’est passée la scène avec M. K…), trois nuits de suite, puis il se répéta ici il y a qq jours.

Je savais donc que le rêve était une réaction à cet événement (la scène dans la forêt).
Dora dit : « L’après-midi qui suivit l’excursion au lac, dont M. K… et moi étions rentrés à midi, je m’étendis, comme d’ordinaire, sur la chaise-longue dans la chambre à coucher pour dormir un peu. Je m’éveillai brusquement et vis M. K… debout devant moi. » > rendue méfiante par ce fait, le lendemain matin, je m’enfermai pour faire ma toilette. Lorsque je voulus l’après-midi, m’enfermer pour me reposer de nouveau sur la chaise-longue, la clef manquait. Je suis convaincue que c’était M. K… qui l’avait enlevée. »
C’est donc le thème de la fermeture ou de la non-fermeture de la chambre qui se trouve dans les associations du rêve.
« J’avais à craindre que, les matins suivant, M. K… ne me surprit à ma toilette, [je m’habillais donc très vite tout ce temps-là]. »
C’est comme si vous vous étiez dit : « Je ne suis pas tranquille, je ne puis trouver de sommeil calme avant d’être hors de cette maison.

Vous vous disiez : « Cet homme me poursuit, il veut pénétrer dans ma chambre, ma « boîte à bijoux » est en danger, et s’il arrive là un malheur, ce sera de la faute à papa. » C’est pourquoi vous avez choisi pour le rêve une situation qui exprime le contraire, un danger dont vous êtes sauvée par votre père. Dans cette région du rêve tout, en général, est transformé en son contraire. Quel rôle joue là votre mère ? Elle est, vous le savez, votre ancienne rivale auprès de votre père. Lors de l’incident du bracelet, vous auriez volontiers accepté ce que votre maman avait refusé. Vous étiez prête à donner à votre père ce que votre mère lui refusait et ce dont il s’agit aurait eu quelque rapport avec des bijoux.
L’homme debout devant votre lit (le père dans le rêve) est M. K… Il vous a donné une boîte à bijoux ; c’est pour cela que j’ai parlé tout à l’heure d’un cadeau en échange. Dans cette série d’idées, votre maman doit être remplacée par Mme K… Vous êtes dont prête à donner à M. K… ce que sa femme lui refuse. Là encore, vous réveillez votre ancien amour pour votre père afin de vous défendre contre votre amour pour M. K…

Un rêve régulier se tient sur deux jambes, dont l’une s’appuie sur le fait récent essentiel, l’autre sur un événement important de l’enfance. Le désir qui crée le rêve provient donc toujours de l’enfance -> corriger le présent d’après l’enfance.

Songez à vos expressions : « qu’il arrive un malheur la nuit, qu’on ait besoin de sortir ». Cela ne signifie-t-il pas un besoin naturel et, si vous rapportez ce malheur à l’enfance, peut-il être autre que celui de mouiller son lit ? Mais que fait-on pour préserver les enfants de mouiller leur lit ? On les réveille, n’est-ce pas, tout comme le fait votre père avec vous, dans le rêve ? Je dois donc en conclure que vous avez souffert d’incontinence d’urine plus longtemps qu’il n’est ordinaire chez les enfant (elle confirme).

Tous jours, au réveil, Dora percevait une odeur de fumée… Cette sensation ne pouvait alors guère signifier autre chose que le désir d’un baiser qui, chez un fumeur, sent nécessairement la fumée ; or un baiser avait été échangé entre eux, deux ans auparavant, ce qui se serait maintes fois renouvelé si la jeune fille avait cédé aux sollicitations de M. K...

Cette incontinence n’a à ce que je crois, aucune cause plus vraisemblable que la masturbation, qui joue dans l’étiologie de l’incontinence un rôle non encore estimé à sa juste valeur.

La jeune fille entendit alors une vieille tante dire à sa mère : « Il avait déjà été malade avant son mariage » -> son père était donc tombé malade à cause de la vie dévergondée qu’il avait menée, et elle pensait qu’il lui avait transmis par hérédité sa maladie. -> sa persévérance à s’identifier à sa mère m’imposa presque l’obligation de demander si elle aussi avait une maladie vénérienne, et voilà que j’appris qu’elle était atteinte d’un « catarrhe » (flueurs blanches), dont elle ne se rappelait pas le début. 

 

Elle nia la masturbation infantile en bloc, mais qq jours plus tard elle fit un « acte symptomatique (=faire machinalement, inconsciemment, comme en jouant,..) -> porte-monnaie > l’ouvrait, y introduisait le doigt, le refermait, etc.
Accusations contre le père responsable de sa maladie, derrière lesquelles se cachait une auto-accusation – fleurs blanches – jeu avec le sac à main – incontinence après la sixième année – secret qu’elle ne veut pas se laisser ravir par les médecins :je considère, sur de tels indices, que la preuve indubitable de la masturbation infantile est faite.
J’eus de fortes raisons de supposer que l’enfant, dont la chambre communiquait avec celle des parents, avait surpris une visite nocturne de son père à sa mère et qu’elle avait entendu, pendant le coït, la respiration haletante de l’homme, déjà court d’haleine à l’état habituel. Les enfants pressentent en pareils cas le caractère sexuel de ces bruits inquiétants. … J’ai pu, dans beaucoup de cas, comme dans celui de Dora, ramener le symptôme de la dyspnée, de l’asthme nerveux, à la même cause déterminante, c’est-à-dire au fait d’avoir surpris les rapports sexuels des adultes.

Le désir de substituer son père à M. K… est la force motrice du rêve. Je rappelle > l’attachement infantile de Dora pour son père aurait été réveillé pour maintenir en état de refoulement l’amour refoulé pour M. K…

Si Dora se sent incapable de céder à l’amour pour cet homme, si elle refoule cet amour au lieu de s’y abandonner, c’est que cette décision ne dépend d’aucun facteur plus étroitement que de sa satisfaction sexuelle précoce et de ses suites, l’incontinence, la leucorrhée et le dégoût.

Par « mouillé » et « gouttes » s’ouvre à nous en même temps l’autre cercle d’associations, celui du catarrhe dégoûtant qui, à l’âge adulte, a le même effet humiliant que l’incontinence d’urine dans l’enfance. « Mouillé » équivaut ici à « souillé ». Les organes génitaux sont ainsi souillés par la leucorrhée autant chez sa mère que chez elle-même.

… C’est ainsi que l’on trouve, dans le contenu du rêve, deux fois le mots « la boîte à bijoux de maman » et cet élément remplace l’expression de la jalousie infantile, la perle en forme de goutte, donc l’humectation sexuelle, la souillure par la leucorrhée et, d’autre part, l’actuelle tentation de rendre amour pour amour, dépeignant d’avance la situation sexuelle en perspective, désirée et redoutée. L’élément « boîte à bijoux » résulte, plus que tout autre, de déplacements et de condensations, c’est un compromis de tendances contraires.

III

Le SECOND REVE

« Je me promène dans une ville que je ne connais pas, je vois des rues et des places qui me sont étrangères. J’entre ensuite dans une maison où j’habite, je vais dans ma chambre et j’y trouve une lettre de maman. Elle écrit que comme j’étais sortie à l’insu de mes parents, elle n’avait pas voulu m’informer que papa était tombé malade. [Maintenant il est mort, et si tu veux, tu peux venir] Je vais donc à la gare et je demande peut-être cent fois où est la gare. On me répond invariablement : cinq minutes. Ensuite, je vois devant moi une épaisse forêt, dans laquelle je pénètre, et je questionne un homme que j’y rencontre. Il me dit : encore deux heures et demie. Il me propose de m’accompagner. Je refuse et m’en vais toute seule. Je vois la gare devant moi et je ne puis l’atteindre. Ceci est accompagné du sentiment d’angoisse que l’on a dans un rêve où l’on ne peut avancer. Ensuite, je suis à la maison, entre-temps j’ai dû aller en voiture, mais je n’en sais rien. J’entre dans la loge du concierge et je le questionne au sujet de notre appartement. La femme de chambre m’ouvre et répond : maman et les autres sont déjà au cimetière. »

Il restait à comprendre pourquoi Dora s’était sentie si offensée par les sollicitations de M. K…

La course à travers la ville étrangère était surdéterminée. Elle conduisait à une cause occasionnelle du rêve. Un jeune cousin était justement venu passer les fêtes chez eux et Dora s’apprêtait à lui faire visiter Vienne. Ce cousin lui rappelait son premier et court séjour à Dresde. Elle avait erré en étrangère dans Dresde et n’avait pas négligé de visiter la célèbre galerie de tableaux. Un autre cousin voulait leur faire voir cette galerie. Mais elle refusa, elle alla toute seule, et s’arrêta devant la « Madone Sixtine » pendant deux heures en admiration.

« Elle demanda peut-être cent fois… » La veille au soir, après le départ des visiteurs, le père demanda à Dora de lui apporter du cognac. Elle demanda la clef du garde-manger à sa mère, mais celle-ci, absorbée dans une conversation, ne répondit pas, de sorte que Dora impatientée s’écria : « Voilà cent fois » que je te demande de me dire où est la clef ! » Où est la clef ? me semble être le pendant viril de la question : Où est la boîte ? Ce sont ainsi des questions relatives aux organes génitaux.

Pendant une réunion de famille, quelqu’un avait porté un toast  au père en exprimant l’espoir qu’il demeurât longtemps en bonne santé. Elle s’aperçut des traits fatigués sur son visage et eu la pensée qu’il ne lui restait pas si longtemps que cela à vivre. > nous voici arrivés au texte de la lettre du rêve. Son père est mort, elle s'est absentée de la maison de sa propre autorité.

Nous trompons-nous si nous admettons que la situation formant la façade du rêve correspond à un fantasme de vengeance contre son père ? Voici quelle signification aurait ce fantasme : elle quitte la maison, part pour l’étranger, son père a le cœur brisé de chagrin, ne peut vivre loin d’elle. Alors, elle serait vengée.

Freud demande à Dora de se rappeler la déclaration de M. K : « vous savez que ma femme n’est rien pour moi ». La forêt du rêve est semblable à celle où s’est passée la scène. Mais elle avait vu hier exactement la même épaisse forêt dans un tableau de l’exposition de la « Sécession ». Au fond du tableau, on voyait des « nymphes ». -> La gare et le cimetière à la place d’organes génitaux, voilà qui était assez clair, Maintenant, en faisant intervenir les « nymphes » qu’on voit au font d’une « forêt épaisse », aucun doute n’était plus permis. C’était là de la géographie sexuelle symbolique ! On appelle nymphes les petites lèvres qui se trouvent à l’arrière-plan de la forêt épaisse des poils pubiens.
Derrière la première situation de ce rêve se cachait alors un fantasme de défloration, un homme s’efforçant de pénétrer dans les organes génitaux d’une femme.

« Elle va tranquillement dans sa chambre et lit un gros livre qui se trouve sur son bureau ». L’accent porte sur « Tranquillement et Gros » -> Format du dictionnaire qu’elle confirme. Or les enfants ne lisent jamais « tranquillement » un dictionnaire lorsqu’il s’agit de sujets défendus. Ils tremblent, et ont peur d’être surpris. Les parents sont un grand obstacle à  pareille lecture, mais la faculté propre au rêve de réaliser des désirs… son père était mort et les autres au cimetière. Elle pouvait donc lire tranquillement ce qui lui plaisait. Cela ne signifiait-il pas qu’un des motifs de sa vengeance était une révolte contre la contrainte exercée par ses parents ? Son père mort, elle pouvait lire et aimer à sa guise.

Un cousin de Dora était atteint d’une grave appendicite. Elle ouvrit le dictionnaire pour s’instruire des symptômes de l’appendicite.
« elle se voit d’une façon particulièrement distincte montant l’escalier ».
Après son appendicite, elle eut pendant longtemps de la difficulté à marcher et elle traînait le pied droit. Aujourd’hui encore, son pied parfois ne lui obéissait pas. C’était là un véritable symptôme hystérique. La névrose avait profité du hasard pour la faire servir à l’une de ses manifestations. Dora s’était ainsi fabriqué une maladie dont elle avait lu la description dans le dictionnaire. Que signifiait donc cet état singeant une pérityphlite ? Je demandai donc quand l’appendicite était apparue, avant ou après la scène du lac ? La réponse immédiate et qui résolvait d’un coup toutes les difficultés, fut celle-ci : « Neuf mois après ». 
Je dis : « Si vous accouchez neuf mois après la scène au bord du lac et que vous supportez jusqu’à ce jour les suites du faux pas (elle boitait encore), cela prouve que vous avez regretté inconsciemment l’issue de cette scène. Votre fantasme de l’accouchement présuppose qu’il s’était alors passé quelque chose, que vous avez alors vécu et éprouvé tout ce que vous avez dû puiser plus tard dans le dictionnaire. Votre amour pour M. K persiste jusqu’à présent -  bien qu’inconsciemment pour vous.

Elle commença la troisième séance par ces paroles : « Savez-vous, docteur, que c’est aujourd’hui la dernière fois que je suis ici ?
- Quand avez-vous pris cette décision ?
- Il y a 15 jours, je crois.
- Ces 15 jours font penser à l’avis que donne de son départ une domestique ou une gouvernante.
- Il y avait aussi une gouvernant qui a fait cela chez les K… lorsque j’ai été les voir au bord du lac… elle (la gouvernante) me raconta que M. K… l’avait courtisée en disant que sa femme n’était rien pour lui.
- Mais ce sont les paroles mêmes qu’il a prononcées lorsqu’il vous a fait sa déclaration et que vous l’avez giflé. Et cette gouvernante avait donné avis de son départ ?
- Elle dit qu’elle voulait attendre encore un peu pour voir si rien ne changeait chez M. K…
- Je connais la raison de la gifle par laquelle vous avez répondu à la déclaration de M. K… Ce n’était pas parce que ses sollicitations vous avaient offensée, mais par vengeance jalouse. Vous vous êtes dit : « Il ose me traiter comme un gouvernante ? » Cette blessure d’amour-propre associée à la jalousie et à des motifs conscients sensés, c’en était trop enfin. >> Comme preuve de l’influence qu’exerce encore sur vous cette histoire de la gouvernante je vous citerai le nombreuses identifications… : Vous racontez à vos parents ce qui est arrivé, tout comme la jeune fille l’a écrit aux siens. Vous me donnez avis de votre départ comme ferait une gouvernante, après vous y être résolu 15 jours à l’avance.

Freud pense également que si elle a attendu une quinzaine de jours avant de tout dire à sa mère c’est parce qu’elle attendait que le même (délai qu’avait attendu la gouvernante) délai fût écoulé pour voir si M. K… renouvellerait sa déclaration.

L’espoir d’un mariage : « Les relations que vous aviez sans doute, pour cette seule raison, si longtemps favorisées de votre père avec Mme K…, vous garantissaient que Mme K… consentirait au divorce et, quant à votre père, vous obtenez de lui tout ce que vous voulez. Et voilà pourquoi, je pense, vous avez tellement regretté ce qui était arrivé et l’avez corrigé dans votre imagination par le fantasme de l’appendicite. Ce dut être pour vous une profonde déception que le résultat de vos accusations fût, non pas une nouvelle poursuite de M. K…, mais ses dénégations et ses injures.
Je sais maintenant ce dont vous ne voulez pas qu’on vous fasse souvenir : que vous vous étiez figuré que la déclaration de M. K… pouvait être sérieuse, et qu’il ne se lasserait pas jusqu’à ce que vous l’ayez épousé.
Elle écouta sans contredire, sembla ému, me quitta le plus aimablement du monde… ne reparut plus. Celui qui réveille, comme je fais, les pires démons incomplètement domptés au fond de l’âme humaine, afin de les combattre, doit se tenir prêt à n’être pas épargné dans cette lutte.
… Ces malades sont sous l’empire de l’opposition qui existe entre la réalité et les fantasmes de leur inconscient. Ce à quoi ils aspirent le plus ardemment dans leurs rêveries, ils le fuient dès que la réalité le leur offre et c’est quand aucune réalisation n’est plus à craindre qu’ils s’abandonnent le plus volontiers à leurs fantasmes.

IV

CONCLUSION

J’ai voulu compléter ma « Science des rêves », en montrant comment on peut utiliser cet art afin de dévoiler les parties cachées et refoulées de l’âme humaine, et par la même occasion, éveiller l’intérêt pour certains phénomènes qui sont encore tout à fait ignorés de la science : (refoulement, déplacement… )
J’ai tenu aussi à montrer que la sexualité n’intervient pas d’une façon isolée, comme un « deus ex machina », dans l’ensemble des phénomènes caractéristiques de l’hystérie, mais qu’elle est la force motrice de chacun des symptômes et de chacune des manifestations d’un symptôme. Les manifestations morbides sont, pour ainsi dire, « l’activité sexuelle des malades ». > La sexualité est la clef du problème des psychonévroses, ainsi que des névroses en général.

Le transfert ne peut être évité, car il est utilisé à la formation de tous les obstacles qui rendent inaccessible le matériel, et parce que la sensation de conviction relative à la justesse des contextes reconstruits ne se produit chez le malade qu’une fois le transfert résolu.

Aussi me comparaît-elle consciemment à lui (son père) > 1er transfert, mais ensuite : Lorsque survint le premier rêve, dans lequel elle me prévenait qu’elle voulait abandonner le traitement comme, autrefois, la maison de M. K…, j’aurais dû me mettre sur mes gardes et lui dire : « Vous venez de faire un transfert de M. K… sur moi. Avez-vous remarqué quoi que ce sont vous faisant penser de ma part à de mauvaises intentions analogues à celles de M. K… ? Son attention se serait alors portée sur quelque détail de nos relations… et par la solution de ce transfert, l’analyse aurait trouvé accès à du matériel nouveau. Ainsi, je fus surpris par le transfert et c’est à cause de ce facteur inconnu par lequel je lui rappelais M. K…, qu’elle se vengea de moi, comme elle voulait se venger de lui ; elle m’abandonna comme elle se croyait trompée et abandonnée par lui.

…Dora réapparut 15 mois après.  Son état s’était amélioré. Elle profita de la mort d’un des enfants des K (au mois de mai de l’année précédente) pour renouer contact avec eux et faire reconnaître à Mme K… sa relation avec son père et à M. K… la déclaration qu’il lui avait faite jadis. Elle était venue requérir l’aide de Freud contre une névralgie faciale droite qui n’était qu’un symptôme hystérique. « Cette pseudo-névralgie équivalait à une autopunition, à un remords au sujet de la gifle donnée jadis à M. K… et était en rapport avec le transfert sur moi de sa vengeance… Je promis de lui pardonner de m’avoir privé de la satisfaction de la débarrasser plus radicalement de son mal.

Des années se sont écoulées depuis cette visite. La jeune fille s’est mariée. Si le premier rêve indiquait le détachement de l’homme aimé et le retour vers son père, c’est-à-dire la fuite devant la vie dans la maladie, ce second rêve annonçait en effet qu’elle se détacherait de son père et qu’elle serait reconquise par la vie. 
 

  ANALYSE D’UNE PHOBIE
CHEZ UN PETIT GARCON DE 5 ANS
(Le petit Hans)